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Solutions solidaires : tribune

Revenu d’autonomie : vivre sans condition

Par Jean-Luc Gleyze et des présidentes et les présidents des conseils départementaux, Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, Jérôme Saddier, président du Crédit coopératif, Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoire zéro chômeur de longue durée, Timothée Duverger et Thierry Germain, codirecteur et membre de l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales.
A Givors, le 24 octobre 2023, dans une agence Pôle Emploi devenue depuis le 1er janvier France Travail. (Romain Etienne/Item pour Libération)
par Les présidentes et les présidents des conseils départementaux, Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif, Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée et Timothée Duverger et Thiery Germain,, codirecteur et membre de l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales (ŒIL)
publié le 2 février 2024 à 2h24

Solutions solidaires

Avec tous les territoires engagés pour des solutions solidaires, le Département de la Gironde, la Ville de Bordeaux, la Fondation Jean-Jaurès, Libération et plus de 60 organisations composant le Pacte du Pouvoir de Vivre proposent de débattre de six grandes solutions. Qu’elles soient éprouvées ou encore à expérimenter, ces solutions sont autant d’outils mis à la portée de toutes et tous pour tenter de fabriquer ensemble une écologie solidaire. Pour en discuter, rendez-vous le 9 février prochain dans les locaux du département de la Gironde.

Après avoir fait disparaître le terme «pénibilité» (1) du travail, le gouvernement veut effacer la solidarité du Revenu de solidarité active (RSA) en le conditionnant. C’est du moins ce que laissent comprendre les réformes de l’assurance chômage, des retraites et de France Travail, autant d’appels à la «responsabilité», qui ouvrent une ère du soupçon envers celles et ceux qui recourent à leurs droits sociaux.

C’est pourquoi nous appelons à un revenu d’autonomie sanctuarisant l’inconditionnalité, l’accompagnement et la garantie d’un travail digne, pour répondre à trois priorités. L’ouverture aux jeunes, injustement écartés alors qu’ils font partie des plus touchés par la pauvreté. L’augmentation du montant de l’allocation qui, après avoir décroché par rapport au smic, est aujourd’hui érodé par l’inflation. L’automaticité du versement doit être effective, afin de lutter contre un taux de non-recours bien trop important, et qui participe aux fragilités sociales vécues.

Dans la continuité des travaux menés depuis 2016 autour du revenu de base, le revenu d’autonomie proposé avec la Fondation Jean-Jaurès tient pour fondamentaux l’individu, son parcours et ses aspirations. Il permet une citoyenneté sociale pleine et entière qui consacre le lien plutôt que le contrôle, la solidarité plutôt que l’assistance, la motivation plutôt que l’anxiété.

Ce revenu n’est pas un «solde de tout compte» mais le socle d’un accompagnement régulier et fructueux, d’un contrat social dans lequel la confiance prend le pas sur la méfiance, notamment grâce à la proximité et à l’efficacité du suivi. Avec une expérimentation comme Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), les initiatives de l’insertion par l’activité économique, comme du secteur adapté et du secteur protégé s’ouvrent à la perspective politique d’un droit à l’emploi dont les territoires constituent le lieu de concrétisation.

Afin que cet accompagnement soit effectif sur l’ensemble du territoire, les élus locaux, associations et structures au cœur des politiques du travail doivent disposer de dispositifs adaptés, de moyens humains renforcés, et d’une meilleure articulation des réalités sociales et professionnelles de l’accompagnement, sans stigmatisation ni exclusion.

Par ailleurs, la valeur de l’utilité sociale des emplois aidés doit être reconnue, au même titre que celle d’autres métiers, comme ceux de la première ligne. Ces batailles ne sont pas distinctes, elles procèdent d’un même objectif : passer d’un «plein-emploi» reposant sur les travailleurs pauvres, la dégradation des conditions de travail et la perte de sens, à un «emploi plein» qualitatif, qui assure l’émancipation de l’individu, la plénitude de ses besoins et de ceux du territoire. C’est passer de la valeur travail à la valeur du travail.

Il ne suffit pas d’ordonner à la France de travailler pour que cela devienne une réalité, il s’agit d’abord d’améliorer les conditions de travail et de vie des Françaises et des Français. Autrement dit, cessons de croire que le retour à l’emploi, sans considération pour le travail ou les inégalités sociales, suffira à résoudre le problème de la pauvreté. C’est bien plutôt par le renforcement des droits au revenu, à l’accompagnement et à l’emploi, que nous restaurerons la dignité du travail et des travailleurs.

A celles et ceux convaincus qu’un projet de société du lien est nécessaire, nous lançons cet appel à porter ensemble un Revenu d’autonomie qui permette de travailler et vivre dignement, sans condition.

(1) Le compte professionnel de prévention de la pénibilité (C3P) a été renommé compte personnel de prévention (C2P), recul majeur pour la dignité des travailleurs.
Les présidentes et les présidents des conseils départementaux cosignataires Jean-Luc Gleyze de la Gironde, Chaynesse Khirouni de la Meurthe-et-Moselle, Sophie Borderie du Lot-et-Garonne, Xavier Fortinon des Landes, Françoise Laurent-Perrigot du Gard, Michel Ménard de la Loire-Atlantique, Fabien Bazin de la Nièvre, Philippe Dupouy du Gers, Sébastien Vincini de la Haute-Garonne, Jean-Luc Chenut d’Ille-et-Vilaine, Kléber Mesquida de l’Hérault, Germinal Peiro de la Dordogne, Jean-Claude Leblois de Haute-Vienne, Hermeline Malherbe des Pyrénées-Orientales, Christophe Ramond du Tarn, Hélène Sandragné de l’Aude et Stéphane Troussel de la Seine-Saint-Denis.