En 2024, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous gratuits et grand public. Objectif : trouver des solutions au plus près des territoires. Troisième étape de notre seconde édition : Grenoble, les 4 et 5 octobre. Un événement réalisé en partenariat avec la métropole de Grenoble et avec le soutien du Crédit coopératif, le groupe Vyv, l’Agence de la transition écologique (Ademe), la Fondation Jean-Jaurès, Oxfam, Greenpeace, le magazine Pioche ! et Vert le média.
Le dérèglement climatique, la multiplication d’événements extrêmes, nous obligent. Ils exigent de mettre en œuvre et de planifier, sans tabou, des mesures d’atténuation et d’adaptation résolues, opiniâtres, sans concession ni omission. La recherche de la neutralité carbone n’est pas une option ; l’atténuation est tout aussi cruciale que vitale.
Chaque dixième de degré compte et comptera. En parallèle, l’urgence de se préparer et de s’adapter aux inéluctables mutations climatiques est un impératif, notamment dans les territoires alpins qui sont particulièrement impactés, où les températures se réchauffent deux fois plus vite qu’ailleurs, provoquant une fonte à vue d’œil des glaciers, du manteau neigeux, crues et inondations, érosion des sols, glissements de terrain, chutes de blocs et avalanches… Avec des conséquences sur tous les plans, pour l’homme et la biodiversité : sur le pastoralisme, le tourisme, la ressource en eau, la forêt, les voies de circulation, etc.
Tribune
Indubitablement, il nous faut réduire les vulnérabilités et dangers associés aux impacts climatiques tout en bâtissant davantage «une culture du risque» au service de la résilience de nos territoires et de notre société. Acteurs publics, entrepreneurs, paysans, associations, habitants… nous sommes nombreux à nous mobiliser. Pour faire face.
Pour aller plus loin, plus vite, plus fort, au moins deux grandes questions appellent des réponses, sans tergiverser, de fixer et garder le cap.
Justice sociale
La première : comment finance-t-on les mesures d’adaptation et d’atténuation du dérèglement climatique ? La deuxième, c’est la question de la justice sociale, de l’épanouissement et de la cohésion, nonobstant les défis environnementaux, conditions sine qua non de la bataille du climat et de l’adaptation vers un monde qui ne doit laisser personne au bord du chemin. Il ne peut y avoir de bifurcation écologique sans justice sociale, sans inclusion.
En première ligne, les élus locaux – dont je fais partie – sont contraints par les choix, priorisations, agendas et documents de planification nationaux voire internationaux. En la matière, si les initiatives territoriales se multiplient et que les élus locaux sollicitent depuis longtemps du soutien du Parlement et du gouvernement pour accélérer et massifier encore davantage les projets locaux favorables à la transition écologique, c’est, stupéfaits et en colère qu’ils constatent les reports de la stratégie nationale bas carbone, du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique, de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la déconnexion de Matignon de la planification écologique, la fonte du périmètre du ministère de l’Ecologie, raboté du Logement et des Transports notamment, outre les allers-retours questionnants, interpellants, de l’Energie entre Bercy et le ministère de l’Environnement ces derniers mois.
C’est stupéfaits et en colère qu’ils constatent les coupes budgétaires de plusieurs milliards d’euros réalisées et en préparation à l’échelle nationale en défaveur du vélo, des transports en commun, de la rénovation thermique, et, plus largement, des projets vertueux portés en la matière par les territoires.
Les investissements ne sont pas réalisés
C’est stupéfaits et en colère qu’ils constatent, à nouveau, que la gestion financière des collectivités est pointée sournoisement et cyniquement du doigt depuis plusieurs mois, alors que la dette des collectivités est stable depuis trente ans à l’inverse de la dette de l’Etat, prélude classique à de nouvelles ponctions nationales sur le dos des collectivités. Un véritable pied de nez aux collectivités quand, dans le même temps, les contrats de plan Etat-région sont de plus en plus dévoyés, en étant de moins en moins tournés vers le cofinancement – par l’Etat et les Régions – des projets portés par les territoires et, a contrario, de plus en plus le moyen pour le gouvernement de faire largement contribuer les collectivités sur ce qui relève des prérogatives de l’Etat, à l’image de la rénovation thermique des universités.
Il en est ainsi également de la régénération et de la modernisation des lignes ferroviaires, des projets de RER à l’instar du RER de l’aire grenobloise, où, tout au mieux, l’Etat finance la moitié du prix de projets représentant plusieurs centaines de millions d’euros, voire des milliards, plaçant la France, sans surprise malheureusement, en queue de peloton européen, et de très loin, s’agissant des investissements de l’Etat en faveur du ferroviaire. Ici, les collectivités locales sont «invitées» à payer la même facture que l’Etat, à peu de chose près, faute de quoi, les investissements ne sont pas réalisés. Au détriment des usagers et des potentiels usagers, au détriment de celles et ceux qui n’ont aucune solution alternative à la voiture, au détriment de la connexion des territoires urbains, périurbains, ruraux et de montagne.
Végétalisation des villes
Malgré les obstacles, malgré toutes ces contraintes, malgré ce jeu de dupes, nous restons localement déterminés, actifs et volontaristes pour mener la bataille du climat.
C’est tout particulièrement le cas de la métropole grenobloise, labellisée «climat-air-énergie 5 étoiles», soit la plus haute distinction décernée par l’Ademe, avec la meilleure notation pour notre métropole parmi l’ensemble des métropoles de France.
Ainsi la métropole protège ses exceptionnelles ressources en eau potable, dont elle étudie l’évolution, en lien avec l’université, l’éventuelle vulnérabilité face au dérèglement climatique, une évolution et une vulnérabilité qu’elle étudie également pour ses forêts qui recouvrent plus de 60 % de notre agglomération.
La métropole concourt également à la diversification des cultures et des pratiques agricoles, à la végétalisation et à la désimperméabilisation des villes et des villages, au développement et à la démocratisation des énergies renouvelables par l’intermédiaire notamment d’un réseau de chauffage urbain qui alimente désormais 100 000 équivalents-logements sur l’agglomération, avec une part d’énergies renouvelables et de récupération atteignant 85 %. Elle sécurise aussi les réseaux de distribution d’électricité face aux risques d’inondation ainsi que ses nombreux ponts, passerelles, et murs de soutènement que le dérèglement climatique vient fragiliser et dégrader davantage, notamment lors d’épisodes de pluies intenses et de crues par exemple.
Métropole industrielle la plus dynamique de France, nous conduisons aussi une politique économique tournée vers la durabilité. Et les résultats en matière d’emplois sont là.
Alors que 80 % de la ville de demain existe déjà, la métropole grenobloise planifie et se réinvente en vue de 2050 avec un PLUI bioclimatique et un plan local de l’habitat qui n’ont pas peur des mots densification, logements sociaux, nature en ville, îlots de fraîcheur, avec un accompagnement et des aides financières métropolitaines à la rénovation thermique en faveur des associations, des TPE-PME, des bailleurs sociaux, des (co)propriétaires, des hôteliers, etc. eu égard à l’inexistence ou l’insuffisance des aides nationales.
Si notre détermination est sans faille, il est impératif d’accélérer encore.
L’I4CE et la Banque postale constataient dernièrement que les collectivités investissent de plus en plus en faveur du climat, avec de l’ordre de 6 milliards en 2017, contre une dizaine aujourd’hui, tandis que 19 milliards d’euros seraient nécessaires annuellement. Un niveau qui n’a rien d’inatteignable, qui restera beaucoup moins dispendieux qu’une situation d’improvisation à la fois coûteuse et dangereuse. Pour y parvenir, l’échelon national et européen peuvent et doivent nous faire confiance en nous donnant les moyens d’agir plus et plus vite, pour préparer l’avenir.