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Climat Libé Tour Nantes: initiative

Sailcoop : plutôt que l’avion ou le ferry, le souffle du vent en voile de fond

La coopérative ambitionne de faire du voilier un moyen de transport banal. En guise d’expérimentation nationale, 1000 passagers ont mis le cap sur la Corse en 18 heures, contre 11 en ferry.
Rémi, employé de Sailcoop, qui opère les premières traversées depuis le continent à la seule force du vent. A Calvi, le 15 juillet 2022. (Laurent Carré/Libération)
par Virginie de Rocquigny
publié le 16 novembre 2023 à 13h25
Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.

250 kilos de CO2 émis par passager pour un Marseille Ajaccio en ferry contre… presque rien à bord de l’un des voiliers de Sailcoop. Du vent, rien que du vent pour se déplacer : l’idée n’a strictement rien d’innovante. Ce qui l’est, c’est de tenter de faire du voilier un moyen de transport banal, comme l’ambitionne la coopérative Sailcoop.

Le lancement du projet, dont l’idée a germé en 2021, a eu des allures de casse-tête. Cela semblait pourtant simple sur le papier : pourquoi ne pas donner un nouvel usage aux nombreux voiliers qui restent à quai pour proposer du transport de passagers décarboné ? «Rien, dans la loi ou les aides d’Etat, n’encourage réellement cette idée», déplore Maxime de Rostolan, directeur du développement de la coopérative basée à Vannes, dans le Morbihan.

La législation stipule en effet que les navires à passagers doivent transporter plus de 12 personnes. Le modèle actuel de Sailcoop, avec des bateaux embarquant moins de 8 passagers, se situe donc dans une zone grise législative. L’équipe a obtenu une dérogation afin de pouvoir lancer son activité dès 2022 au titre d’expérimentation nationale. Le statut a été renouvelé mais il reste un flou juridique à lever. Sailcoop veut faire bouger les lignes : «Le ministère s’est engagé à se pencher sur le sujet et un groupe de travail a été constitué», assure Maxime de Rostolan.

En 2023, 1 000 passagers ont tenté l’expérience : 18 heures en moyenne de navigation pour rejoindre la Corse (contre 11 heures en ferry), des cabines simples, la rencontre avec les deux skippers du bord, l’horizon et la vie en mer au rythme du vent. Sailcoop utilise deux voiliers de 15 mètres, prêtés par des propriétaires qui n’en ont l’usage que quelques semaines par an. «Il y a une vraie demande», constate Maxime de Rostolan. Le public a rarement le pied marin. Pour beaucoup, c’est une expérience inédite : 75 % des clients n’avaient jamais dormi à bord d’un bateau. Si la plupart des passagers le font pour des raisons écologiques, d’autres y voient avant tout le moyen de vivre l’expérience d’un court séjour à la voile. Il faut compter 400 euros pour un aller-retour entre la Corse et le continent.

Sailcoop ne compte pas s’arrêter là et pense déjà à mettre le cap sur la Grèce, l’Irlande ou les Baléares. La coopérative veut aussi développer du transport à la voile sur des liaisons plus courtes, notamment pour rejoindre les îles côtières comme Groix, les Glénans ou Porquerolles. La petite équipe a donc imaginé un catamaran de 80 passagers, léger et vélique, dont la construction est lancée. Il sera livré en avril 2024 et desservira une île de la Bretagne sud. En parallèle, la coopérative imagine déjà des voiliers capables de faire voyager plusieurs centaines de personnes sur des liaisons intercontinentales. La réflexion est lancée avec des cabinets d’architecte naval et les autorités.