«L’art de la cordée pour sublimer son leadership». Tel est le bandeau barrant la page de couverture de S’élever ensemble, dernier ouvrage de Pascal Sancho. L’auteur, guide de haute montagne et officier de police judiciaire, a œuvré pendant trente ans comme secouriste des unités de la Police nationale dans les Hautes-Pyrénées et réalisé plus d’un millier d’interventions. Il en a tiré ce guide, récit de ses plus notables interventions.
Pascal Sancho a un credo : croire en la nature humaine «dans ses bons côtés». Selon lui, c’est toujours la personne qui fait la différence. Et il interroge : «Es-tu capable de transmettre tes fragilités, tes atouts ? Notre métier, c’est l’humain. L’aventure humaine, si elle n’est pas partagée, n’a pas de sens. Il faut se mettre à disposition des autres. Le lien est le cœur du problème. Notre société nous a fait croire qu’on pouvait se débrouiller sans les autres. Le plus gros patrimoine consiste en ce que transmettent les anciens».
Lui, apporte en plus un savoir nouveau. En 1983, par exemple, la marche de nuit n’était pas envisageable. «Pour moi, on va quand même les chercher, quelle que soit l’heure». Le CRS dit avoir été parfois contesté dans le choix de ses décisions. «La base, c’est la communication ouverte, dit-il. Je prends la responsabilité, je suis capable d’appliquer une décision même si ce n’est pas la mienne. Après, on effectue un retour d’expériences, on en tire la substance. On dépersonnalise. On a les défauts, les qualités. Mais la décision est toujours prise dans l’intérêt de la victime».
Leur tâche n’est jamais facile. «Est-ce qu’on obtient quelque chose dans la facilité ? Concernant l’engagement, les nouvelles générations ont les mêmes idées, des visions héroïques ou romantiques […] On ne voit pas nos familles. Les jeunes voudraient bien rentrer le soir à la maison. On leur dit qu’ils n’y seront pas. C’est un sacrifice qu’il faut accepter. On vivait pour travailler, les jeunes travaillent pour vivre. Nous sommes 25 à avoir divorcé (sur quarante)».
La culpabilité que porte le guide est de ne pas avoir eu de limites. Il avait du mal à couper une semaine. «Pour les jeunes, c’est différent. Ils savent débrancher. Si tu es concentré H 24, tu ne seras pas aussi efficace». La moyenne d’âge à la compagnie de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) est de 40-45 ans. Ils se sont battus pour qu’il n’y ait pas de limites d’âge. «On a des hommes qui ont 55 ans et sont toujours efficaces. Notre travail, c’est l’éloge de la différence et de la complémentarité». Et de reconnaître, modeste : «tu n’es pas là pour prendre les bonnes décisions, mais plutôt envisager les moins mauvaises».
La perfection n’existe pas. Des regrets sur certaines missions ? Il a perdu un copain parce que le secours ne s’est pas bien passé au moment du treuillage. «Après un tel accident, on est dans la souffrance. Mais c’est avec ces moments terribles qu’on progresse. Tu apprends plus de tes échecs.»
Pour le recrutement, Pascal Sancho avoue avoir du mal à trouver aujourd’hui des volontaires. «Il nous faut changer de discours. Le stage est trop dur, les gens pensent qu’ils ne vont pas y arriver. Il faut insister sur la notion de plaisir qu’on trouve à travailler dans notre spécialité. C’est un moteur. Tu as plaisir à partir, à monter dans l’hélico.»
L’action protège et évite de trop penser. Chacun dans sa fonction, est utile. Certains vont se révéler. Le malingre timide devient le plus fort. «Il faut gérer le moment où il faut mettre le paquet, raconte le guide. Si on perd le match, on perd un homme. Je n’avais pas d’état d’âme à mourir en mission. J’en ai accompagné sept avec le drapeau tricolore. Quand tu es dans cette passion, c’est dur à expliquer. Depuis 1958 cinquante hommes décédés. C’est trop ! Pourtant, tous les plus jeunes que j’ai eu en face de moi, après la mort d’un des leurs, cela les a renforcés dans leur choix. Ils le disent tous : je vais repartir plus fort.»