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Tribune

Reprendre l’offensive

Par Arnaud Bontemps et Marie Pla, porte-paroles du collectif Nos services publics.
Grève et manifestation à l'appel des syndicats de l'audiovisuel public contre le projet de fusion et de réforme de la gouvernance de la ministre de la Culture Rachida Dati, à Paris, le 1er avril 2025. (Valérie Dubois /Hans Lucas. AFP)
par Arnaud Bontemps et Marie Pla, porte-paroles du collectif Nos services publics
publié le 25 juin 2025 à 23h56

Culture, éducation, justice, information, sciences... Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Prochain rendez-vous, le 11 septembre à Montpellier.

Et si on arrêtait de «se défendre» ? On le sait : cela fait des années que les services publics subissent. L’austérité. La mise en concurrence. La dépréciation… Et on commence à tellement bien connaître le mécanisme que de le répéter devient lassant : on commence par accuser les services publics de coûter trop cher pour mieux réduire leurs budgets, le manque de moyens conduit à l’affaiblissement des solidarités, ce qui mine le consentement à l’impôt et pave le chemin de ceux qui accusent les «dépenses publiques» d’être trop élevées. Le cercle vicieux peut ainsi recommencer.

Mais dans les derniers mois, les attaques se sont faites particulièrement violentes. De la tronçonneuse de Javier Milei au Doge d’Elon Musk, des baisses d’impôts massives de Giorgia Meloni aux intimidations de Viktor Orban, partout dans le monde l’extrême-droite s’attaque aux services publics. En première ligne de ces attaques : tout ce qui pourrait faire contre-pouvoir, de la recherche à la justice, en passant par la culture ou les médias publics. Immédiatement ensuite : les instances de régulation, notamment environnementales, qui viendraient poser des limites à la croissance des profits. En cible de long terme : l’école ou la santé, perçus non comme des domaines fondamentaux pour notre vie en société mais comme des réservoirs potentiels pour une extension supplémentaire du marché.

Ces attaques ne sont pas des phénomènes isolés. Ce qui est en jeu derrière un bureau de poste fermé, des enseignants non remplacés ou un hôpital dégradé, c’est la place des services publics dans notre société. C’est pour leur principe même qu’ils sont visés : parce qu’ils proposent une réponse aux besoins de la population en dehors du marché, financée collectivement et gérée démocratiquement.

Bien sûr cette réponse est imparfaite. Bien sûr les services publics devraient être plus efficaces, plus démocratiques, mieux répondre à l’évolution des besoins. Mais par son fonctionnement même, le service public constitue un projet alternatif de solidarité et de mise en commun, dans une société qui se heurte tous les jours aux limites planétaires et à la captation des richesses par une fraction toujours plus étroite de la population. Et les attaques massives qu’il subit montrent que ses adversaires l’ont peut-être, à certains égards, mieux compris que nous.

Depuis quelques années, la prise de conscience de l’importance à défendre les services publics progresse. Mais à l’heure où les attaques redoublent, rester sur la défensive est définitivement insuffisant. Les services publics ne sont pas un «patrimoine» à sauvegarder, ou un idéal du passé à restaurer : ils sont un projet politique à déployer partout où le secteur privé échoue à répondre de manière juste et soutenable aux besoins de la population. La santé, l’éducation, l’accès à l’eau sont des besoins fondamentaux. L’alimentation, la culture, le logement, la préservation de l’environnement le sont également. Reconnaître collectivement ces besoins fondamentaux, c’est en faire des droits, pour toute la population. Et pour rendre ces droits effectifs, quelle meilleure garantie que la mise en place de nouveaux services publics ?

Porter les services publics comme un projet d’avenir nécessite d’abord de ne rien laisser passer des attaques insidieuses contre l’existant. Et alors que les services publics sont asséchés par le manque de moyens, nous devons commencer par rendre tout leur sens à l’impôt et aux cotisations sociales qui les financent. Les combats pour la justice fiscale vont se prolonger dans les mois à venir, notamment à l’approche du vote du budget : insistons sur cet élément essentiel que sont les services publics pour le quotidien de chacune et de chacun. Célébrons et valorisons ce que les impôts permettent : «de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins». Redonnons son sens à la socialisation des richesses : tout financement public implique des contraintes de service public, et personne, ni clinique commerciale ni école privée, ne devrait pouvoir s’en exonérer.

Partout en France et comme nous l’avons fait tout au long du printemps, nous irons porter ce débat dans les mois à venir. Et nous le rappellerons : le sens de l’impôt, ce sont les services publics et la société qu’ils permettent de construire. Et elle vaut le coût.