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Solidarité

Vers une garantie d’emploi territorialisée

Et si, au lieu de culpabiliser les chômeurs, on construisait avec eux leur futur emploi ? C’est l’objectif des Territoires zéro chômeurs de longue durée.
A Bordeaux, le 6 mars 2022. (Rodolphe Escher/Libération)
publié le 2 février 2024 à 12h28
(mis à jour le 5 février 2024 à 10h12)
Tous les territoires engagés pour des solutions solidaires, le département de la Gironde, la ville de Bordeaux, la fondation Jean-Jaurès, Libération et plus de 60 organisations composant le Pacte du pouvoir de vivre proposent de débattre de six grandes solutions. Solidarité, emploi, alimentation, pour en discuter : rendez-vous le 9 février prochain dans les locaux du département de la Gironde et les 10 & 11 février à l’université de Bordeaux pour le « Climat Libé Tour » (entrée gratuite sur inscription).

En matière de droits, l’écart entre les grands principes et la réalité est parfois très cruel. «Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi», proclame ainsi la Constitution française (1958). La réalité : quelque 5 millions de demandeurs d’emploi sont aujourd’hui inscrits à France Travail, dont environ 10 % sont des chômeurs de longue durée.

Faire mentir la fatalité, et tenter de prendre (enfin) au mot la promesse républicaine, c’est le pari d’un concept qui fait son chemin depuis plusieurs années, sur le terrain mais aussi dans les cercles politiques et académiques français et étrangers : la garantie d’emploi territorialisée.

«Il s’agit de coconstruire les emplois avec les personnes»

«Garantir à tous un emploi, le projet n’est en soi pas tout neuf, on en trouve des expressions dès le XIXe siècle en France, ou dans les années 1950 aux Etats-Unis», rappelle Julien Charles, sociologue au Centre socialiste d’éducation permanente (Cesep) et professeur à l’UC Louvain (Belgique). Plusieurs facteurs expliquent, selon lui, son retour en force aujourd’hui. Parmi eux : «Des études solides qui démontrent que les sanctions contre les chômeurs ne favorisent pas le retour à l’emploi ; le débat sur les métiers essentiels lors de la crise Covid ; ou encore l’influence des travaux de la chercheuse américaine [et conseillère du socialiste Bernie Sanders, ndlr] Pavlina R. Tcherneva sur la Job Guarantee.» La grande priorité défendue par cette dernière ? Donner un emploi à tous ceux qui veulent travailler, quitte… à le fabriquer rien que pour eux.

Dans sa version territorialisée, la garantie d’emploi priorise, en sus, le contexte local. «Il s’agit de coconstruire les emplois avec les personnes, en prenant en compte leur volonté mais aussi les besoins précis des territoires», explique Timothée Duverger, codirecteur de l’Observatoire de l’expérimentation et l’innovation locales de la Fondation Jean-Jaurès. Des emplois cousus mains fléchés, par exemple, vers la transition écologique ou les services de proximité. Mise en œuvre décentralisée et gouvernance locale sont ici impératives : «Citoyens, élus locaux, acteurs de l’économie sociale et solidaire [ESS], bailleurs sociaux… une véritable alliance au sein du territoire.»

«L’emploi en CDI comme gage de stabilité»

Utopique ? Pas vraiment. La garantie d’emploi territorialisée existe en fait déjà, incarnée par l’expérimentation Territoire zéro chômeurs de longue durée (TZCLD). «Nous sommes partis du constat qu’il n’y a pas assez d’emplois aujourd’hui en France, que le secteur marchand ne suffit pas, et qu’il fallait donc les créer, via l’Economie sociale et solidaire», résume Antonin Gregorio, directeur du programme. Une garantie d’emploi basée sur trois piliers : «La territorialité, mise en musique par les élus locaux ; l’emploi en CDI comme gage de stabilité ; et l’exhaustivité, pour ne laisser personne dans la pauvreté.» Déployé dans 60 territoires, TZCLD revendique depuis 2016 «3 000 personnes sorties du chômage de longue durée et 1 800 CDI signés».