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Festival des solutions écologiques: reportage

«Soyez les explorateurs engagés de votre temps»

Festival des solutions écologiquesdossier
L’explorateur Jean-Louis Etienne et le climatologue François-Marie Bréon étaient les invités du débat passionné sur le climat organisé à Montbéliard mardi, dans le cadre du Festival des solutions écologiques.
L'explorateur Jean-Louis Etienne à la soirée-débat organisée au lycée Cuvier de Montbéliard.
publié le 28 septembre 2022 à 11h24
Sobriété, vivant, climat, croissance, biodiversité… du 26 au 30 septembre, le Festival des solutions écologiques 2022 proposera débats, documentaires et rencontres dans cinq villes de Bourgogne-Franche-Comté. Un programme réalisé en partenariat avec Libération.

«Climat, où allons-nous ?» tel était le thème de cette deuxième soirée du Festival des solutions écologiques organisé par la région Bourgogne-Franche-Comté dans les lycées. Un moment de débats et d’échanges animé par Aurore Coulaud, journaliste spécialiste de l’environnement à Libération, devant une assemblée de 200 personnes (1), avec l’explorateur des pôles Jean-Louis Etienne et François-Marie Bréon, chercheur au laboratoire climat et environnement (en visio).

Sécheresse record et restrictions d’eau en Europe, inondations meurtrières en Asie, les exemples ne manquaient pas pour lancer la discussion… François-Marie Bréon a cité en introduction le rapport du Giec, expliquant comment le changement climatique impacte les événements extrêmes. «La fréquence, l’intensité de la canicule, les précipitations extrêmes, avec des dizaines de centimètres en quelques heures sont à prévoir. Avec, dans le sud de la France, des événements cévenols de plus en plus fréquents.» Et de détailler le phénomène : «Il y a plus d’eau dans l’atmosphère, la chaleur va faire augmenter l’évaporation. Les modèles de climat indiquent que la partie sud de la France va aller vers l’assèchement, tandis que dans la moitié nord, on assistera à l’augmentation annuelle des précipitations avec de la sécheresse sur l’été.»

«Il faut adopter des habitudes de vie différentes»

Pus de doutes ; les activités humaines sont les grandes responsables de ces dérèglements avec «40 milliards de tonnes de CO2 rejetées par an. Soit pour les Français quelque six tonnes de CO2 par personne [et avec l’importation des biens plutôt neuf tonnes par an]». On est donc loin de la sobriété nécessaire.

Cap vers les pôles avec Jean Louis-Etienne qui, photos et cartes à l’appui, a montré l’effet du réchauffement dans l’Arctique et l’Antarctique. «Dans les régions polaires, la machine climatique, c’est un échange entre la chaleur des tropiques et le froid des pôles. La Terre a les courants aériens et océaniques pour faire ces échanges. Le réchauffement climatique perturbe ces circulations aériennes. En Sibérie, on observe des perturbations considérables. La banquise est très touchée par le réchauffement : en 1986, l’épaisseur était de 2 mètres, aujourd’hui, juste 1,2 mètre. Conséquences : le permafrost [le sol gelé en permanence, ndlr] libère du gaz carbonique et du méthane ; la banquise change de couleur, ce qui accélère également la fonte de neige.» Situation également dramatique dans le continent antarctique : «Le réchauffement fait fondre d’immenses plates-formes de glace. On assiste à la libération d’icebergs grands comme la Corse…»

Retour dans nos régions avec Aurore Coulaud, qui rappelle que, selon les dernières études, en 2050, la moitié des étés seront comparables à celui que nous venons de vivre. François-Marie Bréon confirme : «Les forêts ne pourront plus puiser dans leurs réserves et auront du mal à résister à plusieurs étés identiques à celui-ci. Les incendies auront des impacts à très grande échelle, il faut s’adapter à ces nouvelles normes climatiques, planter des arbres avec différentes espèces et adopter des habitudes de vie différentes.»

«Une fièvre chronique de la Terre»

Après le constat : les solutions. Que faire ? Par où commencer ? Jean-Louis Etienne reprend la main : «On a pris un degré en un siècle. C’est une fièvre chronique de la Terre. Si on ne s’occupe pas de cela, on va avoir des complications. La solution est complexe car on touche à l’énergie qui est omniprésente dans nos vies.» «C’est sur cela qu’il faut travailler, poursuit l’explorateur, mettre des haies et du vert, arrêter de couper les arbres, poser des panneaux solaires… Aider la nature, qui est notre alliée.»

«Il faut absolument limiter les gaz à effets de serre, poursuit François-Marie Bréon. La sobriété, c’est choisir de faire moins de kilomètres en avion, moins chauffer son logement, ne pas renouveler son téléphone portable. La technique, c’est mieux isoler sa maison, utiliser des moteurs plus efficaces. Enfin, passer des énergies carbonées à des énergies non carbonées, faire de l’hydraulique ou du solaire, des énergies renouvelables et… du nucléaire

Un nouveau débat est lancé et suscite bien des réactions dans la salle. Au final, Jean-Louis Etienne, éternel optimiste, conclura en s’adressant aux lycéens. «Les jeunes, vous avez la tête bien faite. Allez sur le chemin de vos rêves et soyez les explorateurs engagés de votre temps et de demain.»

(1) La soirée avait été lancée par Frédéric Herzog, proviseur au lycée Cuvier de Montbéliard (Doubs), qui accueillait la rencontre. Dans l’après-midi, des classes de première avaient travaillé sur le sujet avec des journalistes de Libération sous la direction de Vincent Pernon, enseignant d’histoire-géo, et Nicolas Seprez professeur de SVT. Leurs travaux seront mis en ligne sur notre site la semaine prochaine.