Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.
Terre de Liens, association qui fête ses 20 ans cette année, c’est 300 fermes, 9 000 hectares soustraits définitivement à la spéculation foncière et un bon paquet d’idées pour enrayer le déclin du monde agricole. A commencer par des solutions pour faciliter les installations de porteurs de projet, enjeu crucial quand l’on sait que 25 % des agriculteurs seront à la retraite d’ici 2030 et qu’un paysan sur trois qui part n’est pas remplacé. Aujourd’hui, 60 % des candidats et candidates à l’installation ne sont pas issus du milieu agricole. Ces néopaysans et paysannes représentent un espoir pour assurer le renouvellement des générations agricoles mais leurs parcours sont semés d’embûches.
Premier obstacle, les dispositifs d’accompagnement, peu adaptés à ces nouveaux profils. «L’accès au métier a été pensé pour des gens du milieu rural, assure Tanguy Martin, chargé de plaidoyer pour Terre de liens. Aujourd’hui, les outils les plus massivement financés par la puissance publique sont obsolètes.» Parmi les dispositifs innovants mis en avant par Terre de liens, les formations «de l’idée au projet», qui permettent de clarifier un projet et de découvrir les réseaux agricoles ou les espaces tests, qui offrent un cadre sécurisé et collectif pour expérimenter avant de se lancer. «Ces outils ont fait leurs preuves, affirme Tanguy Martin. Nous souhaitons qu’ils soient mieux financés, et que leur promotion soit faite auprès des porteurs de projets.» Il faudrait également revoir les programmes de formation : quand il s’agit d’une reconversion, les apprentis paysans ne savent pas toujours conduire un tracteur mais peuvent avoir des compétences en comptabilité ou en communication par exemple.
Parcours du combattant
Enfin, la limite d’âge de 40 ans pour percevoir les dotations européennes d’aide à l’installation est remise en question par l’association. «Nous accueillons des gens de plus de 40 ans en reconversion professionnelle, témoigne Tanguy Martin. Cela bat en brèche la vision du métier de paysan comme un sacerdoce auquel on consacrerait toute sa vie. Il est tout à fait possible de le faire dix ans, quinze ans… Cette limite d’âge est encore plus problématique pour les femmes, qui font l’objet de discrimination pour l’accès aux formations et aux prêts bancaires et entrent donc dans le métier plus tardivement.» 40 % des fermes Terre de Liens sont exploitées par des femmes, signe qu’en adoptant de nouveaux comportements, on peut changer la donne.
Deuxième frein dans ce parcours du combattant, et pas des moindres, l’accès au foncier. L’artificialisation des terres rend les parcelles disponibles de plus en plus rares et les prix ne cessent d’augmenter. Deux tiers des surfaces libérées conduisent à l’agrandissement d’exploitations existantes plutôt qu’à la création de nouvelles fermes. Pour faciliter l’accès au foncier, l’association pratique depuis 2007 le portage de long terme. Il s’agit d’acquérir des parcelles en mobilisant de l’épargne solidaire, des dons et des legs, afin de les louer à des agriculteurs en production bio. «Cela permet de les décharger du poids de l’achat des terres et des bâtiments, et donc souvent de débloquer l’installation», rapporte Tanguy Martin. Forte de son expérience, l’association milite pour la création de nouvelles structures de portage qui ne soient ni lucratives, ni spéculatives et avec une visée environnementale.