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Climat Libé tour Bordeaux: Tribune

Transition écologique : en Gironde, les collectivités en première ligne

Face à l’inertie du gouvernement, Bordeaux et la Gironde prennent les devants, misant sur des solutions locales innovantes telles la Sécurité sociale de l’alimentation. Pierre Hurmic, maire de la ville, et Jean-Luc Gleyze, président du département, y voient un moyen de sensibiliser les citoyens à l’écologie en abordant des thématiques qui leur parlent.
La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est expérimentée à Bordeaux Nord, La Benauge, Bègles, en Pays Foyen et Sud Gironde. (Lahcène Abib/Divergence)
par Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde et Pierre Hurmic, maire de Bordeaux
publié le 16 mai 2025 à 6h00

Depuis 2023, la feuille de route énergétique de la France censée permettre à notre pays d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 est reportée aux calendes grecques. Dernier exemple en date le 28 avril, sous la menace d’une censure brandie par le Rassemblement national que le Premier ministre semble vouloir ménager. En revanche, la précarité énergétique ne ménage pas les 30 % des ménages qui ont eu froid dans leur logement en 2024.

Ce nouveau et récent coup dur porté aux énergies renouvelables fait écho à un discours climatosceptique rampant, partout dans le monde et désormais légitimé depuis le Bureau ovale. Un discours qui occupe de façon décomplexée le terrain médiatique au point de rendre inaudible les rapports scientifiques sur le climat, mais aussi la réalité sociale des changements à l’œuvre qui renforcent d’abord les inégalités : les plus précarisés sont les plus exposés à ses conséquences.

L’échelle locale souvent la plus pertinente pour faire émerger des solutions solidaires

En pleine résonance avec les attentes citoyennes, la ville de Bordeaux et le département de la Gironde sont de ces collectivités qui ont choisi de ne pas attendre de décisions émanant des pouvoirs centraux. Sous les radars des débats gangrenés par le sensationnel, nous sommes de ceux qui tâchent de transformer la société en profondeur avec nos partenaires, à l’échelle de nos territoires, souvent la plus pertinente pour faire germer des solutions solidaires.

Au sein de la Fabrique girondine de l’écologie solidaire, nous élaborons des réponses concrètes et locales à des problèmes globaux comme la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) qui illustre bien la capacité que peuvent avoir les territoires de se mobiliser pour changer la vie de celles et ceux qui y habitent.

Cette expérimentation, permet de reprendre la main sur l’alimentation, que nous tenons pour un bien commun essentiel, tout en associant les habitantes et habitants à la construction d’un nouveau modèle. Expérimentée à Bordeaux Nord, La Benauge, Bègles, en Pays Foyen et Sud Gironde, elle repose sur un principe de cotisation solidaire : chaque participant choisit librement le montant de sa contribution à une caisse commune, à partir de son budget et de ses capacités. Une «charte de conventionnement», rédigée par des citoyens, définit les critères d’accessibilité, de durabilité et de juste rémunération.

Patience, constance et confiance

A court terme, elle répond à l’urgence sociale de la précarité alimentaire. A moyen terme, elle est un formidable exercice de responsabilité démocratique citoyenne directe, avec des collectifs locaux investis du prototypage à la gestion des caisses locales. A long terme, elle participe à la transformation des pratiques agricoles et à une juste rémunération des agriculteurs. Ce modèle redonne une légitimité citoyenne à l’action publique et fait de l’alimentation un levier de démocratie locale, soucieux de la santé publique comme de la vie économique du territoire.

C’est la preuve que nos collectivités, grâce à leurs compétences respectives et à une volonté partagée de coopérer avec les citoyennes et les citoyens, peuvent surmonter les blocages institutionnels en plaçant la solidarité en vertu cardinale. Cela ne relève pas d’une improvisation dictée par le culte du buzz et de l’immédiateté, mais au contraire du temps long, qui requiert patience, constance et confiance. C’est d’ailleurs par des actions au long cours, moins médiatiques mais visibles au quotidien, que nous opérons des transformations durables : la végétalisation des cours d’école et des espaces publics ; les collèges équipés de panneaux solaires, de géothermie, et l’approvisionnement des cantines en circuit court ; le label «Bâtiment frugal bordelais» ou encore le financement d’une thèse sur les cahiers de doléances girondins qui mettent en lumière l’attachement profond à joindre solidarité et écologie.

En première ligne d’une action publique qui concilie écologie et solidarités, la société civile et les collectivités sont résolues et résolument dans une dynamique d’avenirs à bâtir.