Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.
Rassemblés au sein de l’association Arviva-Arts vivants, Arts durables, de multiples acteurs du spectacle vivant, artistes comme techniciens, s’engagent à transformer leurs pratiques pour entreprendre la transition écologique d’un secteur qui se sait vulnérable. Solweig Barbier, déléguée générale et cofondatrice d’Arviva, qui sera présente samedi 18 novembre à l’Hôtel du Département de Loire-Atlantique pour la cinquième étape du Climat Libé Tour, plaide pour un changement systémique.
Comment et dans quel contexte avez-vous créé l’association Arviva ?
En 2019, je travaillais pour un ensemble de musique ancienne et j’avais rédigé pour ma structure une charte de bonnes pratiques, qui a eu beaucoup d’écho. Nous nous sommes donc retrouvés – une petite équipe de neuf personnes du milieu du spectacle – autour de notre sensation d’une forme de dissonance entre nos vies personnelles et professionnelles : est-ce bien raisonnable de faire attention à ses déchets et à son alimentation chez soi et de prendre l’avion de manière intense pour le travail ? Est-ce vraiment logique de faire partir 50 musiciens à Boston pour une date isolée simplement car c’est un passage obligé pour lancer une carrière outre-Atlantique ?
Quels sont les objectifs de l’association ?
Dans un contexte de raréfaction des ressources, nous savons que le secteur culturel est vulnérable : nous sommes les premiers à être supprimés en cas de crise, le Covid nous l’a montré. Il s’agit donc de prendre à bras-le-corps la question de la place de la culture dans la société. Nous sommes au meilleur endroit pour défendre le spectacle vivant parce qu’on y croit mais on doit être capable de se regarder le nombril et d’accepter qu’il y ait des pratiques qui ne sont pas tenables et même parfois complètement illogiques. Pour autant, on ne peut pas concevoir les choses de manière individuelle ou à l’échelle d’une structure car ce sont des enjeux systémiques. Un exemple : si une compagnie décide de ne plus prendre l’avion mais le train pour les trajets européens, qui finance le surcoût occasionné par ce voyage de trois jours au lieu d’un seul ? Quand on reçoit des financements publics, ce type de charge n’est pas pris en compte par exemple. On touche très vite à des choses structurantes pour le secteur.
A-t-on une idée de l’impact sur l’environnement du secteur du spectacle vivant ?
Non, aucune ! On connaît l’impact du secteur automobile mais il n’y a aucune étude poussée sur le secteur culturel. Nous avons créé un outil de simulation d’empreinte environnementale pour le spectacle à destination des structures du spectacle vivant. Cela permet de quantifier le bilan carbone d’un projet culturel mais aussi son impact sur les ressources ou la biodiversité, depuis l’idée de l’artiste jusqu’au dernier spectateur qui sort de la salle. Nous avons eu 2 000 utilisateurs en un an, ce qui va nous permettre d’avoir des chiffres.
Parvenez-vous à fédérer les acteurs du secteur autour de ces questions ?
Nous menons un travail de concertation avec nos 400 adhérents mais aussi avec des partenaires. Nous travaillons tous ensemble pour réfléchir à nos trajectoires, sans dogmatisme. L’idée est vraiment de s’interroger : à quoi ressemblera notre secteur dans cinquante ans étant donné les grands enjeux écologiques et sociaux qui nous attendent ? Nous refusons d’être dans une logique de faillite : à ne rien prévoir, on est dans une approche très libérale qui consiste à penser que les plus forts s’en sortiront. La majorité des syndicats du secteur se sont réunis pour rédiger une feuille de route commune ambitieuse. Elle sera publiée début 2024, c’est une réussite.
Au-delà de la concertation, quels sont vos moyens d’action ?
Nous menons des projets de recherche-action. L’an dernier nous avons travaillé sur la coopération comme levier de transformation. Par ailleurs, nous animons des formations à destination des dirigeants de structures culturelles sur tout le territoire. Il s’agit de les outiller. Ces sujets ne sont absolument pas traités en formation. Je suis sortie d’école il y a moins de dix ans et je n’ai jamais entendu parler de la transformation écologique au cours de mes études.