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Climat Libé Tour Dunkerque: initiative

Transports gratuits à Dunkerque : cinq ans après, un succès qui freine encore trop peu la voiture

Depuis 2018, l’agglomération de Dunkerque propose la gratuité totale pour les usagers sur son réseau de transport. Le bilan se veut positif. Mais pas de quoi mettre en péril la place de l’auto pour autant.
A Dunkerque, en juin. (Gilles Targat/Photo12. AFP)
par Mehdi Magueur, journaliste étudiant à l'ESJ Lille
publié le 25 octobre 2023 à 14h44

Depuis cinq ans, il suffit de monter dans un bus pour se déplacer gratuitement à travers les dix-sept communes de l’agglomération de Dunkerque, desservies par une vingtaine de lignes. L’idée était d’améliorer l’attractivité du réseau et de favoriser le déplacement en transports en commun. Avec un objectif avoué, inciter une partie des Dunkerquois à lâcher leur volant. Une mesure sociale donc, mais aussi écologique.

«Le résultat est à la hauteur, avec +125 % de fréquentation du réseau en cinq ans, et un record historique battu avec plus de 86 000 voyages début octobre», observe Patrice Vergriete, ministre chargé du Logement, présent mi-octobre au forum organisé par Libération. L’ancien maire de Dunkerque et ex-président de sa Communauté urbaine jusqu’à juillet 2023 était invité à une conférence intitulée «On y va en voiture ?» Une rencontre à laquelle participaient également Karima Delli, députée européenne EE-LV et Barbara Pompili, ex-députée Renaissance et ancienne ministre de la Transition écologique au sein du gouvernement Castex.

Bientôt Montpellier

Dès le début de l’échange, Rachid Laïreche, journaliste à Libération, qui animait le débat, pose le sujet de la gratuité des transports à Dunkerque sur la table. Quels impacts la mesure séduisante a-t-elle provoqués ? «On a réussi à développer une culture du transport public», répond d’emblée Patrice Vergriete. A Dunkerque, les bus sont même parvenus à séduire les automobilistes, à en croire une étude réalisée par l’Observatoire des villes du transport gratuit. «50 % des nouveaux déplacements en transports étaient auparavant effectués en voiture. Finalement, la gratuité du transport public a permis d’aller chercher les automobilistes, mais aussi ceux qui se déplaçaient moins auparavant», appuie l’ancien maire. «Demain, même si la voiture est partagée, il faudra qu’elle occupe moins de place dans la ville», soutient Karima Delli.

En attendant, la communauté urbaine de Dunkerque est la première de sa dimension (200 000 habitants), à généraliser la gratuité des transports en commun. La métropole de Montpellier la rejoindra d’ici décembre (mais uniquement pour ses habitants). D’autres préfèrent s’en tenir, pour le moment, à proposer une gratuité durant le week-end, comme Nantes et Clermont-Ferrand. Quant à ouvrir la solution à échelle nationale, cela serait trop compliqué tant les réalités sont différentes.

La France de la «bagnole»

Face à un tel succès rencontré par les transports publics, qu’adviendra-t-il justement de la voiture dans le Dunkerquois ? «Le choix qu’on a fait, c’est de dire que la voiture restera importante comme mode de déplacement», assure Patrice Vergriete. A l’horizon 2035, de nombreuses villes françaises souhaitent accorder une part encore plus grande aux mobilités douces. Du vélo aux trottinettes en passant par les transports collectifs, les pouvoirs publics tentent d’entamer une diminution du trafic automobile. Mais n’est-ce pas le président de la République lui-même qui déclarait «adorer la bagnole» lors d’un récent entretien télévisé ? «En France, quand on dit que quelque chose va changer, il y a un réflexe de peur. Il y a 150 ans, les gens qui se déplaçaient en voiture, il n’y en avait pas beaucoup !» observe Barbara Pompili.

La gratuité des transports reste donc une mesure intéressante, mais ne peut, à elle seule éradiquer les voitures de la surface des territoires urbains. «On vit dans une société du pétrole pas cher, bâtie il y a 70 ans. Nos villes ont été fabriquées sur cette fondation. Au-delà du récit autour de la voiture, c’est le système économique qui l’accompagne qu’il faut changer», conclut Patrice Vergriete. Alors, on y va en voiture, mais pour combien de temps encore ?