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Tribune

Un pont, un lien, un nouvel horizon

Des villes qui nous ressemblent dossier
Pour Clément Blanchet, ex-architecte associé OMA France, le pont Simone-Veil à Bordeaux s’inscrit dans un processus de transformation urbaine à long terme.
Le jour de l'ouverture du pont Simone Veil qui relie les communes de Bordeaux et de Bègles sur la rive gauche du fleuve à celle de Floirac sur la rive droite, le 6 juillet 2024. (Clément Blanchet)
par Clément Blanchet
publié le 31 mars 2025 à 16h02

Du 3 au 6 avril 2025 à Bordeaux, le Fonds de dotation Quartus pour l’architecture organise une série de rencontres, ateliers et explorations urbaines sur la manière de concevoir et habiter les villes. Un événement dont Libération est partenaire.

A Bordeaux, ville marquée par la séparation entre ses deux rives, le nouveau franchissement réalisé grâce au pont Simone-Veil répond au besoin historique de connecter Bègles à Floirac. Ces deux communes attendaient une liaison directe depuis des années pour imaginer un futur en commun. Conçu comme une large plateforme, le nouveau pont offre un espace public flottant au-dessus du fleuve, à mi-chemin entre les rives droite et gauche. Cette position stratégique crée un point de jonction dans la métropole et un repère dans le paysage métropolitain.

Le succès des quais Corajoud a guidé notre réflexion – avec OMA, architecte mandataire - dans la conception. Cet espace étiré vers l’horizon apprécié des Bordelais pour ses événements et son rapport à l’eau, a prouvé qu’une architecture discrète permet aux usages de s’exprimer. La rive droite, au paysage conçu par Michel Desvigne, constitue le pendant paysager aux aménagements de la rive gauche. Le pont Simone-Veil s’insère dans le dialogue entre les deux projets qui se regardent et transforment les bords de Garonne.

Dans l’histoire des infrastructures qui relient les deux rives, ce pont forme le huitième chapitre. Sept ouvrages ont façonné la ville, chacun marquant les époques et des modes de transport privilégiés. Le pont de pierre (1 821) conçu pour les piétons et les calèches, la passerelle Eiffel (1 860) dédiée au réseau ferroviaire ; les ponts Saint-Jean (1 965), d’Aquitaine (1 967) et François Mitterrand (1 993), dessinés essentiellement pour le trafic automobile, le pont SNCF (2 008) qui porte la récente ligne à grande vitesse, et enfin le pont Chaban-Delmas (2 013) qui permet à la fois la traversée routière et le passage des grands navires.

Le pont Simone-Veil complète cette famille avec une identité nouvelle et complémentaire : placer l’expérience humaine au cœur de la conception. Il est un outil de mobilité, mais surtout un lieu de vie aux usages multiples où l’on peut s’arrêter, observer, échanger. C’est à la fois un lieu de passage et un espace de destination.

Le concept de «plaque capable» se traduit par une largeur généreuse et une organisation spatiale simple. Des réservations techniques prévues dans la structure permettront d’ajouter des équipements selon l’évolution des besoins. Le pont Simone Veil a été dimensionné pour supporter différentes configurations de mobilité et d’usage public. Son infrastructure s’inscrit dans un processus de transformation urbaine à long terme. Il offre des possibilités : événements culturels, marchés temporaires, expositions, performances artistiques, rencontres sportives, ou appropriations par les citoyens. Aux usagers le soin d’inventer des pratiques que nous n’avons pas imaginées. Le pont évolue, s’adapte et se réinvente avec la ville et ses habitants.

En célébrant l’ordinaire, ce projet fait l’éloge de la simplicité fonctionnelle. Le franchissement devient le symbole de la métropole de demain : une métropole qui crée des lieux pour tous, capable d’évoluer avec le temps, pensée pour durer sans devenir obsolète. Une invitation : traverser, habiter, réinventer.