A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
En Clunisois, communauté de quarante et une communes rurales du sud de la Bourgogne, la crise Covid a été vécue comme un avertissement : alors que les scientifiques annonçaient depuis des décennies que la conjugaison d’une agriculture intensive et d’échanges commerciaux mondialisés ne pourrait que provoquer des pandémies, les pouvoirs publics n’avaient, à aucun niveau, pris ces alertes au sérieux. Lorsque le phénomène s’est réellement manifesté, l’absence d’anticipation a eu pour conséquence un coût humain, social et économique considérable.
Suite à cette prise de conscience brutale, les élus du Clunisois se sont interrogés : pouvons-nous rester aussi insouciants face au bouleversement climatique, alors que la rivière est à sec tous les étés et qu’une perspective à +4 °C devient de plus en plus plausible ? La réponse à cette question a été la construction d’un projet de territoire : au terme de 75 réunions de concertation avec l’ensemble des acteurs locaux, le conseil communautaire a adopté à l’unanimité en mai 2021 le programme de mandature intitulé «Vivre ensemble en Clunisois… dans le monde d’après».
Cette feuille de route, qui fixe l’objectif de neutralité carbone à horizon 2040, est fondée sur l’idée que l’échelon de proximité est essentiel à la bifurcation : il permet d’agir sans attendre que les niveaux supérieurs se mettent en mouvement. Si l’on veut que les modes de vie mutent (limiter drastiquement l’usage solitaire de la voiture, s’alimenter localement, améliorer l’habitat dans le tissu ancien, sortir du gaspillage consumériste, etc.), l’action publique locale doit organiser des services inédits et sobres : navettes rurales conduites par des chauffeurs bénévoles, laboratoire de transformation alimentaire mutualisé, pour nourrir les centres de loisirs et les cantines à partir de produits agricoles locaux, conseil et soutien financier généreux à la rénovation des logements dans le cadre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat, production locale d’énergies renouvelables, etc. En Clunisois, on est convaincu que ce sont les territoires qui n’auront pas attendu pour vivre autrement, qui payeront le tribut le moins lourd aux mesures d’urgence qui ne manqueront pas de tomber, trop tard, d’en haut.
Dans la course de vitesse engagée contre le bouleversement climatique et l’effondrement de la biodiversité, le Clunisois a fait, depuis dix ans, de la protection des zones humides et des pelouses calcaires une priorité. La Charte forestière du Clunisois place la gestion durable des forêts communales et le renouvellement des essences comme un objectif vital. Dans ce cadre, la communauté de communes vient d’acquérir 60 hectares de forêt pour en faire un «commun» géré de façon durable en concertation avec les habitants. Un travail de recherche est lancé sur le partage de l’eau. L’accueil des réfugiés est également devenu une priorité, tant il est clair que de nombreuses personnes fuient déjà l’inhospitalité de leur région d’origine. Une démarche collective d’étalonnage volontaire des empreintes carbone des ménages est proposée chaque année aux familles du territoire. Des formations à l’innovation pour la bifurcation sont organisées dans le cadre du Collège européen de Cluny, association de formation populaire, qui coopère avec l’Université de Bologne.
La perspective d’un climat à +4 °C n’est pas un mauvais rêve, c’est une menace sérieuse et probable, qui appelle une organisation collective locale renouvelée, plus conviviale et plus solidaire.