Valduc (Côte d'Or), envoyé spécial.
Rien ne distinguerait l'homme d'un banal tourneur dans un atelier de métallurgie, si ce n'étaient ses vêtements d'infirmier et la singulière physionomie de sa machine, installée dans une boite à gants constituée de parois de verre chargé de plomb, et percées d'orifices garnis de gants de caoutchouc scellés, que l'ouvrier enfile. La seconde particularité de cet atelier ouvert pour la première fois à la presse, c'est le matériau qu'on y travaille: le plutonium (PU). Ce métal dont un petit couteau d'acier arrache de millimétriques copeaux, c'est celui qui constituera bientôt le coeur d'une tête nucléaire TN-75 destinée aux missiles M-45 de la force nucléaire stratégique. Pour l'heure, il présente une physionomie des plus ordinaires, sous la forme d'une demi-sphère, d'un volume semblable à celui d'un demi-ballon de volley-ball. Sa paroi fait environ un demi-centimètre d'épaisseur, et le tout est de couleur grise: tirant vers le bleu sombre au fond du bol, gris lorsque qu'un début d'oxydation a fait son oeuvre, et aussi luisant que du plomb fraîchement fondu sur le bord de coupe, là où sera soudé -grâce à un faisceau laser- l'autre demi-sphère. A la fin de cette opération menée dans le bâtiment 120 de l'usine INBS (installation nucléaire de base secrète) de Valduc, des orifices seront percés pour laisser passer le gaz tritium, l'autre composant du coeur Lorsque sa coquille de plutonium aura été fabriquée, c'est l'élément essentiel de son coeur,