Marseille envoyé spécial
En matière d'architecture et de décor urbain, les Marseillais ont des goûts paresseux. La nature a du génie à leur place. Eux se contentent de vivre et de rêver la ville. Sur un bout de trottoir, ils réinventent le monde, d'un cabanon et d'une calanque ils tirent un morceau de paradis. Mais offrez-leur une grande et belle place «à l'italienne», et ils se contentent de s'y affaler dans de mauvais restaurants et des cafés sans charme. Tel est le destin paradoxal du cours d'Estienne-d'Orves, à deux pas du Vieux-Port, successivement canal, parking et «piazza».
Seuls les papys en passe de tutoyer le siècle se souviennent qu'avant 1925 le lieu était un canal relié au Vieux-Port, couvert de détritus et de pointus (1) dévolus à la «petite pêche». Tout autour, les marchands qui ont fait la fortune de Marseille pratiquaient le négoce dans de belles maisons des XVIIe et XVIIIe siècles aux immenses entrepôts. Des Arsenaux, bâtis sous Louis XIV, il ne subsistait que la Maison du capitaine. Elle est toujours là, transformée en hôtel pour petit budget.
Marlous et caquous. En fait, depuis le début du siècle, les édifices n'ont pas profondément changé. Un marché a remplacé le canal puis, au fil du temps, les voitures ont envahi toutes les rues environnantes. On s'asphyxiait dans les gaz d'échappement, mais c'était un sacré quartier de mélanges. Dans des bistrots à quatre tables, on croisait au coude à coude journalistes et rotativistes de la Marseillaise communiste, du