A la cour d'assises de Paris, hier à 10 heures, Yvan Colonna, 47 ans, pantalon de jogging et veste polaire noirs sur tee-shirt blanc, cheveux ras et ombre de moustache, entre avec deux gendarmes dans le box des accusés. Il se retrouve en face de Dominique Erignac, la veuve du préfet de Corse assassiné le 6 février 1998 à Ajaccio, chevelure et polo gris, écharpe violette, serrée sur le premier banc des parties civiles contre son avocat, Philippe Lemaire, et ses deux grands enfants.
Trois balles. Avant d'entrer dans la salle d'audience, la discrète et peu vengeresse Dominique Erignac a sobrement émis le souhait que «la justice passe». C'est le troisième procès consacré à l'assassinat de son mari, mais son épouse n'a toujours pas compris pourquoi. Les six membres du «groupe des anonymes», soldats perdus du nationalisme, écoeurés par les guerres fratricides entre Corses, qui ont été condamnés le 11 juillet 2003 avaient juste expliqué qu'ils avaient choisi «la cible la plus symbolique» en la personne du préfet Erignac, qui incarnait l'Etat français. Les questions de Dominique Erignac risquent de rester une fois de plus sans réponse à la fin du procès d'Yvan Colonna, rattrapé au bout de quatre ans de maquis et jugé près de dix ans après le crime le plus grave qui ait été commis en trente ans de violence politique en Corse. Le seul assassinat en temps de paix en France d'un préfet de la République. Car le berger de Cargèse s'affiche innocent de ce crime contre C