Quand il annonce le 14 juillet 1988 la construction de «la plus grande et la plus moderne bibliothèque du monde», «d'un type entièrement nouveau», François Mitterrand ne se doute pas qu'il vient de déclencher la plus belle polémique intellectuelle de son second septennat.
C'est d'abord une polémique de conception: cette future bibliothèque, surnommée alors la TGB, doit-elle servir prioritairement aux chercheurs («les livres d'abord... et en un temps record», selon la formule d'Elisabeth Badinter) ou devenir une médiathèque ouverte à tous les publics et utilisant les technologies les plus sophistiquées? La nomination à la tête du projet de Dominique Jamet, journaliste extérieur au sérail, n'est pas pour rassurer les tenants, nombreux, de la première hypothèse: issus pour la plupart de l'université, ceux-ci se regroupent alors autour de Pierre Nora et la revue le Débat et bénéficient du soutien discret d'Emmanuel Le Roy Ladurie, administrateur de la Bibliothèque nationale. Autres sujets, déjà, de controverse: quels seront exactement les liens entre la BN et la TGB, qui prend très vite le nom de Bibliothèque de France? Faut-il ou non une «césure» dans les collections et ne transférer dans le nouveau bâtiment de Tolbiac que les ouvrages postérieurs à 1945? Faut-il stocker les ouvrages les moins consultés (près de 80% des fonds ne sont quasiment jamais consultés) dans des silos proches de Paris? Autant de débats qu'un grand colloque organisé en septembre 1989 désamorce en partie e