L’homme est avachi, soutenu par une femme, avec sous le coeur, une plaie béante. Le corps tire sur le vert cadavérique. En face, un autre homme a les bras écartés, des clous sont fichés dans les paumes et les pieds. La Descente de croix, de pur style pompier, et le crucifix sculpté ornent la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. De quoi nourrir la ferveur et la compassion des fidèles, qui auraient pu également y voir un tryptique représentant un homme nu et malade. Cela ne sera pas. Le vicaire a dit non. A la Pitié-Salpêtrière, le sida n’est pas en odeur de sainteté. Du moins sa représentation. Jeudi après-midi, Dominique Renson en a fait les frais. Lors de l’accrochage de son exposition dans la chapelle, elle a vu le père Bailly s’opposer à la présentation d’un tryptique figurant un sidéen. A gauche, un corps masculin, nu, de face, maculé de traînées rouges. C’est «le sang», l’embolie. Au milieu, le même, recouvert de traces lactées. C’est «le lait», la régénération. A droite, l’homme est toujours nu, mais oint d’une couleur ocre. C’est «le miel», l’apaisement, la mort ou le passage, à la manière de Joseph Beuys. A trois jours de la manifestation, dimanche, des associations de lutte contre le sida, et le jour même de la parution de l’encyclique papale anticontraception, anti-avortement et antiprévention du VIH, le tryptique est perçu comme catholiquement incorrect. Le père Bailly a demandé que l’oeuvre so
Cachez ce sang que je ne saurais voir
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publié le 1er avril 1995 à 4h30
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