Menu
Libération
Portrait

Marie-Claude Tjibaou. Déterminée à ne pas être une potiche

Article réservé aux abonnés
La veuve de Jean-Marie Tjibaou, leader indépendantiste canaque assassiné en 1989, préfère la défense des femmes à la candidature aux élections provinciales.
publié le 8 juillet 1995 à 6h27

C 'est Marie-Claude Tjibaou qui avait choisi le restaurant. Une vieille maison cerclée de bougainvillées dont les branches mauves agrippent les murs. Un lieu, d'ombre et de lumière. Dès qu'il l'a vue, l'Européen s'est levé pour l'embrasser. Longtemps, il lui a tenu les mains. Elle a ce même sourire qui ne s'abandonne jamais, cette pudeur que beaucoup prennent pour de l'indifférence. En avril 1988, alors que les indépendantistes retenaient 19 otages dans les grottes d'Ouvéa, les journalistes, une fois de plus, déferlaient à Hienghène pour interroger son mari. La vallée était pleine de fureur. Les grenades des gendarmes dessinaient des panaches de fumée, déchirés par la clameur des Canaques qui brandissaient des sabres d'abattis. Imperturbable, Marie-Claude Tjibaou, une armada d'enfants cramponnés à ses jupes, étendait sa lessive. Un an plus tard, dans la cathédrale de Nouméa où reposait le cercueil de Jean-Marie Tjibaou, elle avait verrouillé sa douleur derrière un visage impassible que traquaient les photographes. Un vieux monsieur se rappelle cette enfant sage: «Marie-Claude était très disciplinée, presque docile, gentille et douce. Mais déjà affleurait ce caractère déterminé, elle savait ce qu'elle voulait.»

Pourtant, elle pliera sans un mot devant son père qui la retire du lycée de Nouméa après le brevet élémentaire. Elle a une quinzaine d'années et tous ses professeurs s'accordent à dire que l'adolescente est brillante. Marie-Claude, qui parfois dans la cour de récréation