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Interview

Henry Rousso : «Chirac se rapproche de l'Histoire»

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L'historien Henry Rousso met en perspective la déclaration de Chirac.
publié le 17 juillet 1995 à 6h57

Henry Rousso est directeur de l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS), auteur avec Eric Conan, de Vichy, un passé qui ne passe pas (Fayard, 1994).

Jacques Chirac déclare que «la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français». Est-ce vraiment nouveau par rapport aux précédents discours officiels sur Vichy, en particulier ceux de Mitterrand?

C'est d'abord un discours juste au plan historique: Jacques Chirac, tout en affirmant l'écrasante responsabilité de Vichy dans les rafles massives de l'été 1942 , rappelle bien que ce sont les nazis qui ont ordonné le crime, et que les policiers et gendarmes français, aux ordres du pouvoir, ont été en la matière des complices.

Mais l'essentiel réside dans son insistance à parler de la responsabilité de l'Etat, l'un des enjeux de mémoire les plus vifs depuis quelques années. Certes François Mitterrand avait lui aussi reconnu la complicité de Vichy dans les rafles massives de l'été 1942. C'est même la raison principale de l'instauration, en février 1993, de cette journée commémorative du 16 juillet. Mais ses déclarations contestables sur Vichy, et ses révélations sur son passé, ses amitiés tardives avec René Bousquet, ont très largement brouillé les cartes. Et, jamais, François Mitterrand n'a été aussi loin que le président Chirac dans ses propos d'hier.

«La France ce jour-là accomplissait l'irréparable», dit le chef de l'Etat à propos de la rafle du Vél' d'Hiv'. Ne rompt-il pas aussi avec la tradition gaulliste?...

A mon sens oui. Quand il parle de la responsabilité de l'Etat français, il évoque l'Etat dans sa continuité, et non pas seulement Vichy. C'est reconnaître que ce régime avait une forme de légalité, voire de légitimité. Et donc que ses crimes doivent être assumés par ses successeurs. Alors que le général De Gaulle avait, très tôt, considéré Vichy comme «une autorité de fait», défi