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Libération
TRIBUNE

Le continent noir de l'enfance

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publié le 16 octobre 1995 à 8h48

Il y a désormais, du côté de l'ordre social et politique, un problème spécifique de l'enfance. Inséparable de ceux de sexualité, de drogue, de violence, de haine ­ de tous les problèmes insolubles que pose l'exclusion sociale. Comme tant d'autres domaines, l'enfance et l'adolescence deviennent aujourd'hui un espace voué par son abandon à la dérive marginale et à la délinquance.

L'actualité propose une chronique quotidienne de cette violence: adolescents meurtriers de leurs parents, violence d'enfants sur d'autres enfants, violence adolescente suburbaine ­ celle-ci encore relativement socialisée dans les gangs ­ mais aussi acting out purement individuels (avec l'adolescent de Cuers, pour la première fois, un enfant est entré dans la légende des serial killers). Tous ces épisodes sont inexplicables en simples termes de psychologie, de sociologie ou de morale. Autre chose est là, qui vient de la rupture même de l'ordre biologique et de l'ordre symbolique.

C'est tout d'abord le statut de la naissance qui est bouleversé (après celui de la mort, aujourd'hui méconnaissable en termes proprement humains). Insémination artificielle sous toutes ses formes, contrôle et manipulation génétiques ­ partout, se profile la substitution au destin naturel d'un destin artificiel de la naissance. Liquidation à terme d'une génèse familiale et sexuée, d'un engendrement psychique et biologique. C'est la fin de l'enfant comme porteur non seulement de la dualité d'un homme et d'une femme, mais de celle