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Libération
TRIBUNE

L'avenir en marche vers le passé

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publié le 19 décembre 1995 à 11h10

Pour essayer de comprendre ce qui est arrivé, il faut ne pas anesthésier la surprise, ne pas occulter la complexité, continuer à interroger l'énigme.

Ne pas anesthésier la surprise. La surprise, elle est dans le surgissement soudain de la grève alors que le pays semblait en état d'encéphalogramme plat; elle est dans le fait qu'une grève de défense d'intérêts corporatifs obtienne grande popularité pendant plus de deux semaines. C'est qu'une fois obtenue satisfaction dans les services publics, le mouvement continue contre le plan Juppé.

A droite comme à gauche, on cherche l'intelligibilité dans l'arsenal de sa propre idéologie au lieu de la chercher dans l'événement lui-même.

Du côté officiel, on incrimine les maladresses, erreurs de langage, absence d'explications. Du côté des médias, on remarque le fossé entre «l'élite et le peuple», façon adoucie de parler du vieux fossé entre ceux qui ordonnent et ceux qui obéissent.

Mais il existe un autre fossé entre la pensée politique et la réalité: cette pensée s'est technocratisée en se réduisant à la gestion économique; elle élimine tout ce qui n'est pas quantifiable, ne voit que des objets à traiter, ignorant les angoisses et souffrances humaines. De plus, la politique fossilisée cabote au jour le jour, incapable d'affronter la complexité des grands problèmes contemporains.

La pensée compartimentée que produisent les universités, grandes écoles, et évidemment l'ENA, est inapte à situer les problèmes dans leur contexte. Chir