La caméraman remonte le couloir, longe les bureaux des rédacteurs en chef, les tables où luisent les écrans d'ordinateurs, arrête l'objectif sur un groupe de journalistes.
«Alors, vous êtes surpris de l'arrêt d'InfoMatin?»
«Mais on s'en fout de la surprise. C'est pas ça l'important», répond une jeune femme en tailleur.
«Enfin, je veux dire, vous vous y attendiez?»
«Mais on sait ce que tu cherches, retorque un rédacteur politique. Tu veux nous faire dire ce qu'on ne veut pas dire. On l'a tous fait, ça, un jour ou l'autre, le raccourci qui tue pour commencer un papier. Je peux te le dicter tout de suite: Stupeur et consternation hier à la rédaction d'Info Matin après l'annonce du dépôt de bilan. C'est ça que tu veux?»
La caméraman s'éloigne.
Jeudi soir, à quelques heures de l'annonce de la cessation de parution, le quotidien InfoMatin fait, comme d'autres avant lui, ses premiers pas de l'autre côté de l'actualité, soudain passé du statut de support de presse à celui de sujet, entre les traminots de Marseille et le Paris-Dakar. «Pour moi, notre histoire est celle d'un gâchis, explique une secrétaire de rédaction. En deux ans, nous avions réussi à imposer un titre, former une vraie équipe, fidéliser 70.000 lecteurs, trouver quelqu'un qui signe un chèque à la fin du mois. Tout était possible. Et c'est fini.» Autour des bureaux, gobelet de café à la main, les journalistes n'arrivent ni à travailler, ni à partir.
Tout autour, les fax arrivent, les téléphones sonnent. Comme si de r