A l'heure où le style est en panne, où le marketing supplée la création, y-a-t-il encore une place pour le vêtement? Sur cette question, Jean Touitou, le créateur d'APC, se garde bien de jouer les soeurs Anne. Mais, posté derrière les initiales de la marque «neutre» de prêt-à-porter qu'il a lancée en 1987, il sait exactement combien de collections il doit encore livrer avant le sabordage de celle-ci, prévu pour 2003: quatorze. Non qu'il aura alors totalisé les annuités nécessaires à une retraite anticipée; mais sans se plaindre le moins du monde d'exercer ce métier, il voit le moment où «la décomposition du tissu social sera si avancée que ça deviendra obscène de faire des vêtements».
Jean Touitou est comme ça. Il dissimule sa causticité sous une voix douce, s'enthousiasme pour une version au sitar de These boots are made for walking en s'inquiétant de l'absence de signifié sur Internet, et quand rien ne va plus, trouve refuge au Havre: «Cette ville m'apaise. Elle a été reconstruite dans de bonnes proportions, ça donne libre cours à ma folie.»
Une folie mesurée: ses vêtements, basiques dans la mesure où ils offrent peu de prise au perpétuel maelström des tendances, sont rigoureux, minimaux, construits dans des tissus exclusifs «qui utilisent le savoir-faire traditionnel des fabricants». Au printemps de l'année dernière, un peu inquiet de l'arrivée d'un président de la République RPR, cet homme épris de «radicale normalité» a imaginé une collection frôlant le BCBG. Manteaux bei