La première scène se déroule, en avril 1995, dans une boutique de Corbeil, en Essonne. Face à Serge Dassault, candidat RPR aux municipales, un marchand pleure le client qui fout le camp. Le grand patron promet: «Pour les faire revenir, on va rendre la rue piétonne.» Le commerçant sursaute: «Mais c'est la nationale 7.» «On la fera privatiser», répond sans rire le futur maire. Son entourage se mord les lèvres. Les journalistes ricanent.
Deuxième scène, quelques semaines plus tard. Henriette el-Kashef, membre du Front national, est dans le bureau du candidat, qui vient de lui proposer une place sur sa liste. «Mais monsieur Dassault, dit-elle, je suis au Front national, les communistes (qui tiennent encore la mairie, ndlr) le savent. Ils vont le dire aux journaux.» Lui sourit, plonge ses yeux candides dans ceux de la dame, et répond calmement: «Ne vous inquiétez pas! Restez discrète et tout se passera bien.»
Onze mois plus tard, perdu derrière son bureau de maire, il explique: «C'est vrai qu'il y avait trois personnes du Front national sur ma liste, mais je ne le savais pas. Je fais pas de la ségrégation, je voulais pas une liste politique, je voulais des gens sympathiques. Je n'ai pas cherché à savoir d'où ils venaient.» Mais l'un de ses adjoints confie: «Les médias nous ont permis de faire coup double. On a récupéré les voix du Front national, tout en jetant sans frais ses trois représentants.» Un détail le confirme: pendant la campagne, son entourage a fait acheter tous les exe