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Libération

La roue tourne sur la Riviera

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Nice vit la fin d'une époque, celle où les têtes couronnées avaient seules la jouissance de la baie. Premiers Parigots, premiers frémissements d'une ère nouvelle: désormais, il va falloir compter avec le tourisme populaire.
publié le 10 août 1996 à 9h45

Dans les gazettes étrangères et sous les lambris des palais de la vieille Europe, la nouvelle surprit: à Nice, les ouvriers s'agitent. L'été 1936 ne s'ouvrait pas sur les promesses du traditionnel Bal des petits lits blancs mais les menaces du drapeau rouge. On ne travaillait plus ou on s'énervait dans les vingt palaces de la capitale de la Côte d'Azur. Le romancier Louis Nucera avait 8 ans et, l'été, des shorts taillés dans des pantalons longs. Pupille de la nation, il demeurait encore avenue des Diables-Bleus, au coeur de la Nice ouvrière, sur la rive gauche du Paillon. La rivière coupait alors la ville en deux mondes obstinément étrangers l'un à l'autre: dans le centre historique et à l'est, les trimeurs, les pêcheurs, les Italo-Nissards, à l'ouest dans le New Bourg, les autres. «Les gens levaient le poing, ça je m'en souviens, oui, j'ai cette image d'une femme toute souriante poing levé, pas loin de chez moi», raconte l'écrivain. On connaissait Niza la Bella, on découvrait Nice l'enragée. Les enfants des immigrés du Piémont et de la plaine du Pô criaient «Vive Blum et le Front populaire!». La fédération du Parti communiste avait un journal, un député charismatique et moustachu, Virgile Barrel, et une profonde aversion pour la Promenade des Anglais, vitrine de toutes les décadences. Derrière la grève, les grèves, même là où les «réactionnaires» n'imaginaient pas l'ombre des «moscoutaires»: les 14 et 15 juin 1936, les croupiers occupent le Casino-Jetée, orgueil du front de