Il disait n'être pas «né historien» mais l'être devenu «par hasard». Et quand il fut reçu en 1987 sous la Coupole par Alain Peyrefitte, celui-ci salua «le plus illustre des médiévistes français», «l'un des grands prêtres de la conscience nationale». Mort hier d'un cancer à Aix-en-Provence à l'âge de 77 ans, Georges Duby était plus qu'un pilier de l'école historique française issue du mouvement des Annales, celle qu'on a appelé longtemps la Nouvelle Histoire, privilégiant l'histoire des mentalités et l'étude des phénomènes dans leur longue durée. Son décryptage de la société médiévale française avait retenti dans la société d'aujourd'hui, comme s'il permettait d'en comprendre de nouveaux enjeux et l'autorisait à intervenir dans la vie publique en tant qu'historien citoyen.
Fils d'un artisan teinturier de plumes, Georges Duby était né le 7 octobre 1919 à Paris. En 1937, il entre à la faculté des lettres de Lyon, initialement pour faire des études de géographie. «C'était alors, dira-t-il, la plus entraînante des sciences de l'homme et mes maîtres avaient du talent.» Ce sont eux notamment qui lui font connaître Marc Bloch et la revue des Annales, qu'il dévore. Mais c'est finalement une agrégation de lettres qu'il obtient en 1942. Tout jeune enseignant, il choisit comme sujet de thèse la société médiévale près de Mâcon. D'abord à cause de sa formation de géographe: il pressent alors qu'«une société, comme un paysage, est un système dont de multiples facteurs déterminent la structu