Quimper, envoyé spécial.
Sur le petit escalier de pierre qui ouvre les halles Saint-François, en plein centre de Quimper (Finistère), ils sont une trentaine de chômeurs à attendre leur «tour de vente» à la «Grande foire aux gueux». Parmi eux, Cyrille. Cyrille et ses yeux embués, sa gorge nouée, ses jambes qui tremblent. Cyrille et sa lassitude d'années de galères, et de douze jours d'occupation de la mairie de la ville. Cyrille, 24 ans, qui en «est rendu là, à (se) vendre aux enchères», à l'heure du marché, comme ses «copains de lutte»,tous chômeurs, tous numérotés sur la poitrine «puisque c'est ainsi que nous voit l'administration, comme des numéros». Cyrille, comme les autres, qui s'est «astiqué»: jean foncé, petit gilet, long manteau, «comme si je me présentais devant un patron». Mais Cyrille ne voit pas la petite foule qui le fixe. Cette foule d'amis, de voisins, d'inconnus, de «bourgeois de la bonne société quimpéroise».
Les mains cachées, les yeux fuyant l'humiliation et la colère, il tient. Et se «déballe, ouvre (ses) tiroirs, comme devant un emploi». Dans le froid glacial de ce samedi. A ses côtés, deux chômeuses, improvisées commissaire-priseur et crieuse, déclinent son CV, ses «qualités humaines» («nombreuses»), ses CES, ses stages, son savoir-faire d'apprenti cuisinier. Vingt secondes interminables. Lui reste muet, essaye «de faire comme s'il n'y avait personne», veut «en finir avec ça», cette parodie d'enchères publiques d'avant la Révolution, quand les gens de f