Au grand bal corse des hypocrites, la classe politique n'a pas fini de valser. Depuis la mort du préfet Erignac, le baromètre des déclarations varie de «bouleversé» à «révolté», en passant par «ému» ou «scandalisé». Alors que la plupart des intervenants, élus locaux ou responsables nationaux, ont encouragé par leurs silences toutes les dérives terroristes et mafieuses. Quand ils ne les ont pas purement et simplement aidées financièrement, en argent noir ou en subventions.
Depuis vingt ans, tous les ministres de l'Intérieur ont entretenu le cycle répression-négociations avec les milieux nationalistes. Tous ont, par émissaire interposé, obtenu des trêves moyennant finance. Avec le ministre Pierre Joxe, en 1990, le Mouvement pour l'autodétermination, vitrine légale du FLNC Canal habituel, a le vent en poupe. Joxe négocie le statut particulier de la Corse et tente de persuader les clandestins de rentrer dans le rang. «Négociation purement politique, affirme un proche, mais autour, cela grenouillait. On ne peut pas exclure qu'il y ait eu des compensations dans le dos du ministre.»
En 1993, Charles Pasqua préfère discuter avec l'aile opposée, la Cuncolta, dont il rencontre le leader, François Santoni. Le ministre de l'Intérieur, pas plus que son collègue de la justice, Pierre Méhaignerie, ne diligentent de poursuites lorsque le FLNC Canal historique, bras armé de la Cuncolta, revendique en août 1993 l'assassinat de Robert Sozzi, militant accusé d'avoir trahi, abattu par ses camarade