Saint-Santin-de-Maurs, Saint-Santin, envoyé spécial.
Saint-Santin pourrait faire perdre la boule à ses habitants. Une frontière invisible coupe leur village en deux: ils ont un pied dans l'Aveyron, l'autre dans le Cantal. Ici, tout le monde voit double. La plaisanterie dure depuis 1790, lorsque la Constituante a partagé le village. Et, comme si cela ne suffisait pas, en changeant de département, on passe d'une région à une autre: d'Auvergne en Midi-Pyrénées, de Midi-Pyrénées en Auvergne.
Stade coupé. La limite suit une combe, un vieux mur de pierre, rase une belle grange et coupe le monument aux morts sur la place du village: les anciens combattants voulaient avoir une stèle unique, même si chaque commune, Saint-Santin (Aveyron) et Saint-Santin-de-Maurs (Cantal), peut revendiquer ses disparus, inscrits de chaque côté de la pierre. La frontière coupe aussi la maison de Raoul Trincot, 90 ans, qui dîne dans le Cantal et dort dans l'Aveyron. Plus bas, enfin, c'est le terrain de football qui fait les frais de la partition. Le stade s'appelle CantAvey. Le club claque ses buts dans un département en première mi-temps, dans l'autre à la reprise. Mais l'équipe, l'Entente saint-santinoise, est inscrite dans le championnat du Cantal. Les déplacements sont plus courts: ça revient moins cher.
A Saint-Santin, la bizarrerie administrative nourrit le quotidien. Elle multiplie les tracasseries pour les citoyens et donne du grain à moudre aux rancoeurs collectives: Aveyronnais contre Cantaliens