C'est une des incongruités du dernier pays communiste du monde occidental: il produit des top models à la chaîne. On peut régulièrement les voir défiler, notamment dans les salons de l'hôtel Nacional de La Havane, devant de riches touristes, parfois le corps diplomatique ou les caciques du parti. Sur les photos de mode qui rappellent qu'Alina Fernandez Revuelto fut, à partir de 1988, l'un des premiers mannequins du régime, on la voit brune, les pommettes saillantes, élancée, un peu liane. Mais avec des poses qui expriment, chez un peuple qui a pourtant fait de la sensualité une religion, assez peu la fête du corps. Et de ce corps habillé de dentelles noires, on ne retient guère les formes tant le regard occupe tout l'espace des photos. Un regard habité d'ombres et que gouverne la seule tristesse, voire un désespoir plus doux que dur. Comme s'il pouvait aider la jeune femme à s'évader de la vie. On a peine alors à imaginer la bousculade des photographes qui venaient ces années-là à Cuba uniquement pour elle. Elle, top model vedette de La Maison (le temple de la haute couture de La Havane) et fille adultérine de Fidel Castro. Dans ce bar de la rue Cassette, à Paris, Alina Fernandez a conservé dans son regard les ombres de cette époque. On la sent revenue de tout, exténuée d'avoir été pendant si longtemps la fille maudite du président cubain, d'abord cachée, ensuite surveillée comme une terroriste multirécidiviste. Parfois, perce quand même l'éclaircie fugitive d'un sourire. El
Portrait
Le non du père.
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par Jean-Patrick VOUDENAY
publié le 28 février 1998 à 19h14
(mis à jour le 28 février 1998 à 19h14)
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