Menu
Libération

LES AUTEURS DE NOS 25 ANS. 1973. J.P. SARTRE. Le philosophe agitateur. Contre la guerre du Kippour.

Article réservé aux abonnés
En 1973, Jean-Paul Sartre, directeur de «Libération», a tenu plusieurs chroniques dans le quotidien consacrées à l'actualité. De la guerre israélo-arabe aux luttes féministes, le philosophe intervient dans les grandes questions qui secouent la France et le monde.
par Jean-Paul SARTRE
publié le 19 mars 1998 à 20h49

Libération m'a demandé de préciser mes positions face au conflit arabo-israélien. Les voici.

Il y a une nation israélienne. Les fondements de cette nation constituée en 1948 sont à la fois pour les Israéliens la tradition historique et le travail humain. La tradition renvoie à la période lointaine où les Hébreux habitaient la Palestine. On peut en contester la valeur ; voilà plus de 2 000 ans qu'à part une très petite minorité ils en sont exclus. Par contre, l'admirable travail fourni depuis le début de ce siècle, quand la nation israélienne n'existait pas encore, suffit ­ comme disait Brecht dans le Cercle de craie caucasien ­ à justifier la présence des Juifs sur cette terre que personne n'avait jamais fait fructifier. La destruction par la violence de la nation israélienne est donc inadmissible.

Il est regrettable que l'Egypte et la Syrie aient déclenché cette guerre-ci, provoquant une hécatombe dans les deux camps belligérants. Il est regrettable que les deux pays se soient toujours refusés à des négociations directes avec Israël. Cependant, la part de responsabilité d'Israël dans ce conflit est considérable. Après la guerre des Six Jours, c'était au vainqueur d'avoir une politique qui aurait permis de l'éviter. Garder les territoires occupés sans préciser à quelle date et dans quelles conditions ils seraient restitués, c'était nécessairement créer chez les Arabes une colère qui devait tôt ou tard aboutir à un affrontement violent.

A vrai dire, le fond de l'affaire est que