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Libération

La Corse enterre un Corse

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Jean-Paul de Rocca-Serra a été inhumé hier dans sa ville de Porto-Vecchio.
publié le 10 avril 1998 à 0h45

Il est beaucoup plus grand mort que vivant. Jean-Paul de Rocca-Serra a rejoint les mânes de la Corse éternelle, qui l'a quasi canonisé hier lors d'une longue et belle cérémonie, dans son fief de Porto-Vecchio. Son premier adjoint a évoqué la «présence familière et tutélaire» de l'ancien député-maire (RPR), le maire d'Ajaccio a souligné la «présence charismatique» du disparu et la presse rapporte avec émotion que Jean-Paul avait fait don de ses yeux à la science: l'aveugle à qui on a greffé ses cornées de 87 ans a recouvré la vue. La sainte histoire est ponctuée de coïncidences miraculeuses. Le vieux docteur est mort dans l'hôpital où il avait fait son externat et il a rendu l'âme, à deux heures près, le jour anniversaire de son baptême. En 1912.

C'est Jean-Louis Debré, à la surprise générale, qui a fait une remarque de bon sens: «Une page de l'histoire de la Corse se tourne.» Avec Jean-Paul de Rocca-Serra est mort le dernier chef de clan traditionnel qui a figé la Corse dans un demi-siècle d'immobilisme dont elle peine à sortir.

Porto-Vecchio est construit à l'image de Jean-Paul, son maire pendant quarante-sept ans. Les Rocca-Serra ont assis leur pouvoir dans le «bastion», une noble bâtisse de plain-pied avec l'église et qui domine fièrement la ville sur son autre façade. La famille attend autour du cercueil, dans une grande salle basse, tendue de tissu un peu fané, avec une gravité de veillée royale. Tous les élus de l'île montent lentement l'escalier blanchi à la chaux, 2 00