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Libération
Portrait

Tabarly. Jusqu'au bout de la mer.

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Disparu, Eric Tabarly est présumé mort.
publié le 15 juin 1998 à 5h47

Tabarly porté disparu, lui qui avait permis aux marins de réapparaître sur la scène française. Tabarly perdu en mer, lui qui s'était si souvent perdu dans le silence de la mer parce qu'il était heureux d'y vivre et qu'il ne craignait pas d'y mourir. Eric Tabarly, l'indestructible, le père de la nation voile, est passé par-dessus bord au large du pays de Galles. Ne souhaiter qu'une chose: que ça se soit passé vite. Pour qu'il n'ait pas eu le temps de maudire cette mer sur laquelle il se sentait si bien.

Fantaisie militaire

L'enfance n'est pas exactement de bord de mer. Eric Tabarly naît à Nantes et part user ses culottes courtes à Blois. Le père est d'abord concessionnaire General Motors, puis représentant en textiles. Le gamin a déjà le goût de l'aventure et le mépris des interdits. Il est du genre à emmener sa soeur explorer les toits enneigés ou à embarquer sur une périssoire pour se balader sur les petits lacs minés par les Allemands. A l'école, il en fait à sa guise, se polarise sur la géographie, honnit l'histoire, et trace sa route sans s'occuper des avis de quiconque.

Il entre à l'Ecole navale. Mais, au lieu de plancher sur ses tables de trigonométrie, il couve du regard son vieux cotre noir mouillé en contrebas, en rade de Brest. Ce Pen Duick 1, qu'il restaurera par la suite et qui vient de le désarçonner, est déjà sa passion exclusive. Le jeu consiste à inventer des excuses météorologiques pour justifier des «rabs» de permission. Avec l'armée, Tabarly va entretenir des rapports ambigus.