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Libération

La nuit où Noyon a oublié d'etre raciste. Le Mondial fut une parenthèse de fraternité. Déjà refermée?

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publié le 20 juillet 1998 à 6h17

Noyon (Oise), envoyé spécial.

Noyon n'a pas encore compris ce qui lui est arrivé. Dimanche 12 juillet, lorsque la France a gagné la Coupe du monde, la grosse bourgade de l'Oise, qui vote très fort FN, ne s'est pas reconnue. Dans les rues, la joie a mêlé gamins des cités et habitants du centre. Le temps d'une nuit, Noyon ­ 15 000 habitants et 18% de population étrangère ­ a aimé ses enfants d'immigrés. Même s'il n'est pas sûr que la fraternisation soit appelée à durer. Fête. Sega, 15 ans, vit à la cité Beauséjour: «Les gens, pour une fois, ils n'étaient plus racistes. On est descendus dans le centre faire la fête, ils te souriaient, ils te parlaient. D'habitude, ici, quand t'es noir ou reubeu, on te regarde mal. Là, j'ai vu un mec dans une 605 toute neuve. Y'avait des mecs de la ZUP qui étaient montés sur le capot de sa caisse. Lui il klaxonnait, il rigolait avec eux.» Les pompiers étaient descendus avec des drapeaux; une voiture de gendarmes tournait avec gyrophare et pandores hilares aux fenêtres. Un camion du régiment de marche du Tchad, qui est basé ici, a été pris d'assaut. A l'escalade des ridelles, des jeunes de toutes origines.

La fête a duré jusqu'au milieu de la nuit. L'armurier du centre-ville raconte: «On a regardé le match tranquillement à la maison. Après on a fait comme tout le monde: on est sortis faire un tour. On a pris la voiture pour pouvoir klaxonner. C'est vrai que dans les rues, c'était tout mélangé, mais je n'y avais pas fait attention sur le coup.» Cel