Faire la biographie de Mitterrand deux ans et demi après sa mort, alors que la polémique autour de sa personne est encore vivace, cela n'a-t-il pas rendu votre travail plus difficile que pour vos précédents ouvrages?
Le plus difficile quand on écrit une biographie, c'est de trouver la distance par rapport au personnage. Je l'avais constaté avec de Gaulle car j'étais assez loin de lui. Mes autres biographies, Mauriac, Blum, Mendès France, étaient nées d'une sympathie forte, il fallait que je la maîtrise. Cette fois-ci, dès l'origine, j'avais mes distances avec François Mitterrand. Je n'ai jamais été très proche de lui, même s'il m'a amicalement reçu, tout à la fin de sa vie. La distance était donc convenable. Ce n'était pas la biographie la plus difficile à écrire mais c'est celle où j'ai éprouvé une souffrance à traiter d'un certain nombre de sujets. A cause de l'immense ambiguïté du personnage mais aussi du fait que j'ai toujours voté pour lui et que j'avais à dire à son propos des choses assez cruelles.
Vous sous-titrez votre livre «une histoire de Français», cela veut-il dire que, plus qu'aucun autre, Mitterrand a symbolisé la France dans sa complexité et ses contradictions?
Depuis soixante ans, oui. Aucun politique ne lui est comparable sur ce plan-là. De Gaulle est un personnage à l'échelle européenne, voire mondiale. Mais il est très spécifique: c'est un homme du Nord, avec une vision très platonicienne de la patrie et de la République. Mendès France est très typé dans une culture, Mitterrand, lui, assume tout, c'est une macédoine formidable: une livre de droite, un kilo de gauche, le radicalisme, une once de Morvan, la Charente" Aucun homme n