Têtu. Bernard Creusot est comme ça. «Je n'aime pas qu'on me dicte ce que je dois faire.» Et ça fait vingt-sept ans qu'il dure ainsi. Sur le parc à voitures (la «piste») de l'immense usine Peugeot de Sochaux-Montbéliard, il est planté. Comme une vigie sur un navire immobile. Syndicaliste, il tient le coup. Et, depuis 1971, il prend les coups. Il exhibe sa fiche de paie comme un constat médical. Il manque «au moins 400 à 500 francs, chaque mois», sur un salaire de base de 7 150 francs. Autre symptôme: il demeure, lui le plus âgé, le moins payé de son service.
Têtu et pas très chrétien. «Jamais je ne pardonnerai!» Bernard Creusot a une dent, et on ne la lui arrachera pas! Pas contre les Peugeot. Pas même contre Jacques Calvet, patron jusqu'en 1997, et qui a fait perdurer le système; encore moins contre Jean-Martin Folz, l'actuel président. Non, l'incisive, c'est pour «ils». «Ils», ce sont tous les chefs d'équipe, contremaîtres, directeurs du personnel ou d'atelier qui lui ont fait vivre vingt-sept années impossibles. «Ils m'ont humilié, engueulé, et pourquoi? Parce que je suis syndicaliste.» La vie Peugeot de Bernard s'ouvre en 1971, lorsque, venu de ses Vosges natales et libéré du service militaire, il trouve une place d'OS. La plus grande usine d'Europe, 42 000 salariés à la belle époque (22 000 maintenant), recrute à tour de bras. «C'était mieux payé, à l'heure», que les tissages des Vosges où il trimait depuis l'âge de 14 ans. «Sur les quais