Le secrétaire général du plus vieux et du plus important syndicat français ne croit qu'aux nourritures terrestres et si possible roboratives. Chez les Viannet, une fois l'an, on tue le cochon. Le syndicaliste met alors les mains dans la tripaille pour préparer les charcuteries de l'année. Il en va de même avec les idées: il ne les goûte que s'il voit leurs débouchés concrets. Seul compte le service de la maison dont il a la charge.
Au moment de passer la main lors du prochain congrès du syndicat en janvier à Strasbourg, le très conformiste leader de la CGT apparaît paradoxalement comme celui qui aura fait le plus bouger la vieille maison. Louis Viannet lui fait quitter la Fédération syndicale mondiale (FSM), dernier vestige de la guerre froide qui réunissait l'ensemble des syndicats d'obédience communiste. Une étape nécessaire pour siéger à la Confédération européenne des syndicats, où la CGT devrait être admise en mars. Il sort la confédération de l'ornière revendicative où elle s'enlisait pour lui faire passer le cap d'un syndicalisme de «propositions» qui ne rechigne plus à signer des accords. Et, dans la bataille pour l'application des 35 heures, il rapproche son syndicat de celui de Nicole Notat.
Pourtant, tout a toujours glissé sur Louis Viannet. Le rapport Khrouchtchev, les coups de forces de Budapest et de Prague. Puis, quelques années plus tard, l'entrée des troupes soviétiques en Afghanistan et la normalisation de la Pologne. Rien de tout cela n'a provoqué chez lui d