«Wir springen im Schwarz.» Littéralement, «nous sautons dans le
noir». Prosaïquement, «nous allons dans le mur». Après ses emprunts contestés au philosophe allemand Hans-Magnus Enzensberger, Jean-Pierre Chevènement est allé piocher une phrase prononcée par Theobald von Bethmann-Hollweg, chancelier allemand en 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale. Il s'en est servi, mercredi, devant le bureau national du Mouvement des citoyens (MDC), pour exprimer auprès des siens le désarroi qu'il s'interdit désormais de dire en public.
Moyens détournés. Auteur de la formule célèbre, en février 1983, «un ministre, ça ferme sa gueule; si ça veut l'ouvrir, ça démissionne», le ministre de l'Intérieur éprouve aujourd'hui les pires difficultés à s'exprimer publiquement. «Il va s'abstenir de parler tant que c'est possible», assure Didier Motchane, un de ses amis de longue date. Car sa part de critiques irait à l'encontre du minimum requis de solidarité gouvernementale. Aussi choisit-il des moyens détournés. Ainsi, quand il distribue à ses collègues ministres, le jeudi 1er avril, des extraits de Vues sur la guerre civile d'Enzensberger, qu'il a lui-même intitulés «Quelques réflexions pour éclairer l'action». Il veut assurer que «la morale est le dernier refuge de l'eurocentrisme» et qu'il «est temps de renoncer aux fantasmes d'une morale omnipotente». Qu'importe que l'auteur ait condamné l'utilisation de ses mots pour justifier la désapprobation chevènementiste de l'intervention en Y