Ex-compagnon du Che, ex-prisonnier de Camiri, ex-conseiller de François Mitterrand, Régis Debray a entamé il y a une dizaine d'années une sorte de parcours à rebours, colérique et paradoxal, comme si les engagements de sa jeunesse révolutionnaire devaient être remis en cause au nom d'une introspection autocritique presque masochiste.
Ainsi en 1989, pour le bicentenaire de la Révolution française, il fustige dans Que vive la République le caractère consensuel, «lyophilisé» de la commémoration, presque tout le monde oubliant que la République n'était pas issue du suffrage universel, mais d'une «horde de canaques» «promenant les têtes des suppliciés au bout d'une pique». Il s'en prend pareillement à l'idéologie des droits de l'homme, «le plus navrant fleuron du conformisme des notables» et aux causes humanitaires, «l'ultime foyer d'une culture sans feu». La même année, il se réjouit de la chute du communisme en Europe tout en ajoutant, non sans lucidité, que «l'Europe des libérations nationales» risque bien d'être «celle de tous les dangers». Il n'adhère pas pour autant au «libéralisme démocratique» dont il craint la «croissance incontrôlée et illimitée», porteuse d'une irrémédiable «dévastation culturelle et écologique».
Adieu à la révolution. En 1990, A demain de Gaulle résonne comme un adieu à Mitterrand: Régis Debray y consomme sa rupture avec un socialisme qui pratique «élitisme social, fétichisme du marché et respect immobiliste des mentalités» et défend de