Sociologue au CNRS, Anne Gotman, est spécialiste des questions tournant autour de l'hospitalité. Elle a dirigé un ouvrage collectif consacré au sujet (1), et analyse ici ces phénomènes de rejet.
Quel sens donnez-vous à ces oppositions de riverains? S'agit-il d'un repli sur soi ou d'un manque de générosité?
Les frontières entre ceux qui habitent et ceux qui arrivent existent bien encore aujourd'hui. Le nouveau venu ne peut arriver impunément sur un territoire. Il y a un rituel, posé comme une épreuve. Et les rites d'aujourd'hui tournent autour de la négociation pour l'accueil. Dans le cas des centres qui accueillent des exclus, des gens malades, les hôtes véritables sont les riverains. Il ne faut pas les prendre pour un épiphénomène, ni un accident de parcours. On leur formule une demande d'hospitalité. Ils auront à recevoir l'étranger. Cette présence ne va pas de soi. Chez soi, même s'il s'agit d'amis, on reçoit l'étranger, mais on le cantonne. Il s'agit de l'honorer mais aussi de le neutraliser.
Que doit-on faire pour que la cohabitation avec les riverains se passe mieux?
A priori, on a peur de l'autre. L'arrivant est d'abord marginalisé. Il est porteur des caractéristiques de sa communauté d'origine. Les toxicomanes de la rue Beaurepaire portent la toxicomanie du monde entier. Pour les personnes atteintes du sida, c'est sa propre mort qu'on a sous les yeux tous les jours. Dans ce cas, c'est le rejet de l'autre qu'on sera forcément un jour. Pour l'accepter, il faut mettre en oeuvre différents apprentissages. Construire ces rapports de voisinage, c'est une charge supplémentaire.
Cela requiert un surcroît d'attention. Y a-t-il des gens plus enclins à l'accueil que d'autres?
Cela dépend de la manière dont on se place dans le système social. Si on considère qu'o