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Libération
Interview

Le ballon de foot. Traverses.

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AN 2000. Les objets du siècle. «Un certain parasitage idéologique». Pour le philosophe Alain Finkielkraut, si le ballon est un objet de plaisir, l'interprétation du foot comme métaphore de la démocratie appelle quelques réserves.
publié le 17 juillet 1999 à 23h58
Le ballon est-il un objet philosophique?

Le ballon n'a jamais été pour moi un sujet d'étude, mais un objet de plaisir. J'ai commencé très tôt à regarder des matches, j'allais fort heureusement au stade avant que le stade ne vienne à moi par la télévision, et j'ai toujours un peu joué, au lycée, puis plus tard, avec des amis et leurs enfants, le dimanche. J'ai tenu bon pendant les grandes années antisport, quand le foot était considéré comme un opium du peuple. Je me souviens en particulier de mon émerveillement devant le jeu hollandais lors de la Coupe du monde de 1974. Une manière de jouer, une stratégie totalement nouvelles: des grandes vagues tour à tour à l'attaque puis en défense. Evidemment les Hollandais n'ont pas gagné, ce sont les Allemands. Le même phénomène s'était déjà produit en 1954, avec la Hongrie. Une autre petite nation réinventant le football, soutenue par le monde entier et perdant en finale face à l'Allemagne, déjà. Je me souviens aussi de la demi-finale France-Allemagne de 1982, du choc entre Schumacher et Battiston et de l'indignation générale, comme si l'ennemi héréditaire avait à nouveau frappé. Donc je n'ai jamais complètement perdu le contact. Aujourd'hui j'ai moins de mérite, la planète entière s'intéresse au foot. Le ballon ressemble à la terre et la terre vibre aux exploits des joueurs.

Le regrettez-vous?

Je regrette l'époque où le foot était avant tout un sport populaire. L'époque ancienne où j'allais assiter avec mon père aux matches du Racing. J'habitais gare de l'Est et je prenais le car à République