Minuit sonne, et «Dany» est toujours là. Dans la salle à manger de
«Lionel», qui lui a servi un steak, un bout de fromage, avec un peu de rouge. Ce qu'il y avait dans le frigo, en somme. C'était mardi soir, rue du Regard à Paris. Lionel Jospin recevait, chez lui, Daniel Cohn-Bendit. Sylviane, l'épouse, a salué l'invité, puis s'est éclipsée. Histoire de le (ou se) détendre, Jospin a dit, d'entrée: «On se tutoie, c'est la tradition à gauche.» La rencontre a failli devenir chimère, elle fut finalement des plus simple. Presque trop.
Il y a une semaine, Matignon avait appelé le bureau bruxellois du député européen. Non sans avoir mûrement réfléchi au décor. La tête de liste des Verts aux européennes avait insisté pour être reçu par Jospin au lendemain du scrutin. Le recevoir très officiellement à Matignon, c'était reconnaître son score. Le rencontrer pour le sermonner, c'était risquer le coup de vieux. Jouer la complicité militante, le soir après le travail, c'est absorber un peu de l'effet Cohn-Bendit.
Jospin affable. Il était content, flatté, d'ailleurs, l'ancien leader de 68. Lui qui ne ratait jamais une pique contre ce Premier ministre qu'il n'avait jamais rencontré a eu droit au joli mois de mai de Jospin, alors fonctionnaire au Quai d'Orsay, droit de dire aussi au Premier ministre ce qu'il pense de la situation des sans-papiers ou encore des discours dominants sur la drogue. Et Lionel Jospin, étrangement affable, a dit: «Oui, ça, d'accord», puis: «Ça, je ne comprends pas.» Co