D'abord, il répond: «Je dois demander à Jospin.» Feu vert accordé:
le voilà autorisé à goûter à la lumière. Aquilino Morelle, plume de l'ombre, ne plisse même pas les yeux. Comme programmé depuis toujours pour s'extraire de l'obscurité. «Vous savez bien que je n'accepte que par vanité», rigole-t-il sans plaisanter. Il est, d'après les organigrammes officiels, un conseiller parmi d'autres de l'Hôtel Matignon. En cette ère à jamais revenue des plus belles promesses, le socialisme ne tiendrait plus, à en croire les plus pessimistes, que par une convention de langage. Le jospinisme s'arrime donc aux mots, se pare avec raideur de la parole tenue" Et le parolier, s'il n'en a pas le grade, a fonction de conseiller politique.
Ça se passe dans un petit bureau de l'aile droite, au rez-de-chaussée de l'hôtel Matignon. Sur la cheminée, les six règles d'écriture de George Orwell. Et, pas loin, une photo noir et blanc de Lionel Jospin. Pas l'officielle, une autre, qui trahit le regard presque tendre de celui qui l'a posée là. Aquilino Morelle ne manie ni l'explosif ni les matières précieuses. Simplement des mots. Pas trop grands, de préférence. Ni même beaux. Encore moins clinquants, et surtout pas trop prometteurs. Des mots qui dénouent des situations, parce qu'ils sonnent bien et au bon moment. Aquilino Morelle est un accordeur. Il envoie des notes au Premier ministre, qui les commente avant de les lui renvoyer. Ainsi suggère-t-il, l'été dernier, l'idée de la «deuxième étape» pour soulage