Il s'appelait Sprague-Thomson. «C'était le train idéal: costaud et puissant.» Roger l'a conduit pendant trente ans. Le Sprague était l'emblème disgracieux et inconfortable du métro parisien qui grinçait de toutes ses roues en fer et de sa structure de bois et de métal. Un emblème à la longévité phénoménale. De 1908 à 1983, il a trimballé son monde, sans broncher. «C'était un métro à équipage», se souvient encore Roger. Car chaque Sprague avait son chef de train, debout à côté du chauffeur et qui donnait le signal du départ. Quelques voitures derrière, se tenait le garde des premières, qui veillait au grain et écartait les resquilleurs des banquettes en bois, comme en seconde, mais là, elles étaient revêtues de moleskine verte.
Evidemment, lorsque la dernière rame s'arrête au terminus ce 16 avril 1983, ce n'est plus qu'un objet de curiosité, que les touristes photographient sur la ligne 9 (Pont-de-Sèvres - Mairie-de-Montreuil). Normal, ils descendent à la station Rue-Montmartre, persuadés de tomber nez à nez avec le Sacré-Coeur sur les trottoirs du boulevard Poissonnière. Et ils ne trouvent que des cafetiers lassés de les contredire. Alors, de dépit, ils flashent l'antique métro. Vincennes-Neuilly. Aujourd'hui, les touristes ne se trompent plus, la station mystificatrice est rebaptisée Grands-Boulevards et le métro ne grince plus depuis que le MP 67 circule sous terre. Ses roues sont des pneus, le lobbying opéré par Michelin pour imposer ce système est adopté et le Sprague est