Yves Chassard a été administrateur à la direction de l'emploi et des
affaires sociales de la Commission européenne. Directeur des études chez Bernard Brunhes Consultant, il explique comment se sont développés en Europe deux modèles de gestion de la protection sociale, l'un paritaire, l'autre étatisé.
On parle souvent de l'exception française. Est-ce une réalité?
Il y aurait plutôt une exception britannique par rapport aux modèles continentaux. Car, en Grande-Bretagne, il n'y a pas de partenaires sociaux au sens où on l'entend en Allemagne ou en France. Un «service national de santé» y a été mis en place juste après la guerre, à la suite du rapport Beveridge, dont Pierre Laroque s'est inspiré en France à la même époque pour imaginer la Sécurité sociale. Mais les différences sont importantes. Au Royaume-Uni, c'est le gouvernement qui gère le système de santé jusque dans ses détails, et les médecins ne sont pas payés à l'acte. Le financement est assuré par l'impôt et non par des cotisations sociales. La Sécu anglaise assure simplement un minimum et ne verse que des prestations très faibles: 25% du salaire en moyenne en cas de maladie, contre plus de 80% dans tous les autres pays européens.
A l'opposé du modèle britannique, on trouverait plutôt le système allemand?
L'Allemagne est le berceau de la Sécurité sociale. Elle a été fondée au temps de Bismarck, et, à la différence de la France, la Constitution interdit toute intervention de l'Etat dans la gestion des caisses, assurée parita