C'est l'histoire d'une chute. Il a 8 ans. Il est au Canada, où son père est parti chercher fortune. Des copains l'appellent. Il se penche à la fenêtre. La moustiquaire cède. Il tombe comme une pierre, sans passer en revue la vie qu'il n'a pas encore vécue. Quatre étages plus bas, le toit d'une voiture amortit sa dégringolade. Il se relève, groggy, intact. Il lui en est longtemps resté l'impression qu'il retomberait toujours sur ses pattes, un peu chat de gouttière, un peu acrobate de sa destinée. Il reconnaît: «Ma femme dirait que je me crois immortel.» Le lendemain, les journaux en parlent. Avec cet humour en cendres du type qu'on s'étonne de trouver plutôt bouffarde que cigare, il glisse: «Voyez, mon premier "papier, c'était déjà pour une chute.»
C'est donc l'histoire d'une nouvelle chute. Jean-Christophe Cambadélis aura bientôt 50 ans et il va finir par admettre que la mort existe aussi en politique et que la résurrection des ambitions n'est pas garantie avant les jugements derniers. «Camba» avait tout pour faire un ministre d'importance du gouvernement Jospin. D'abord, comme son mentor, une jeunesse trotskiste-lambertiste qui lui avait enseigné l'art des rapports de force et des alliances opportunes. Ensuite, un ralliement à la social-démocratie avec sa jeune garde, ce qui réjouit toujours les hiérarques avides de chair fraîche. Et surtout, des qualités d'organisateur, de négociateur, d'analyste, propres à liquider son complexe d'infériorité envers les énarques façon Mosc