Lille, envoyée spéciale.
La paire de ciseaux dans une main, le mètre mesureur dans l'autre, Dominique s'interrompt à peine pour saluer le client qui entre. Chômeur il y a encore un an, il est devenu «un patron très occupé». «La retouche, pour s'en sortir, il faut en faire beaucoup, explique-t-il en empoignant le fer à repasser. Le jour, la nuit. C'est dur, mais je ferai tout pour que ça marche.» Arrivé à Lille en 1993 après des études de «modéliste» en Côte-d'Ivoire, il avait un plan clair: «Monter ma boîte, à tout prix, j'avais 30000 francs de côté.» Mais son enthousiasme ne convainc pas les banquiers. «Ils m'ont dit: revenez après deux ou trois ans d'exercice, avec des comptes équilibrés, une progression stable du bénéfice et du chiffre d'affaires" Ce qui voulait dire, en gros: revenez quand vous n'aurez plus besoin d'argent!»
Annonce. Dominique poursuit les démarches, accumule les refus" Jusqu'à cette petite annonce, dans un journal gratuit du Nord: «Vous en avez marre d'être au chômage, vous voulez créer votre entreprise, téléphonez-nous.» Il téléphone et rencontre Piles, association pour la Promotion des initiatives locales d'économie solidaire. Dans un grand local clair au coeur du quartier de Lille-Fives (où le taux de chômage dépasse les 30%), trois salariés, dont deux emplois-jeunes, accueillent ceux qui, comme Dominique, veulent monter leur entreprise.
«Il y a deux types de créateurs, explique Guy Kugler, salarié de Piles. Ceux qui ont depuis longtemps un projet, et