Laurent Fabius quadrille désormais la maison Bercy. Le général sans armée qui, il y a deux mois, s'est installé dans le prestigieux bureau du 6e étage du paquebot des bords de Seine a tissé la toile qui lui permet aujourd'hui de tenir d'une main ferme toutes les manettes d'un ministère réputé difficile. Lentement, en disciple accompli et méthodique de François Mitterrand. «C'est le retour des visiteurs du soir», glisse un ancien de l'Elysée. Le retour, en fait, d'une autre pratique du pouvoir: susciter l'avis de tous, n'accorder sa confiance à personne. Décider seul, toujours. «C'est dans son tempérament, commente un proche, Fabius a été Premier ministre, il n'a pas pour ambition de prouver qu'il est un bon ministre de l'Economie. Pour lui, cela va de soi.» Une certitude malmenée d'emblée.
La difficulté éprouvée pour s'attacher un directeur de cabinet a sonné comme un avertissement. Hantés par le souvenir de la convivialité de Dominique Strauss-Kahn, traumatisés par un trimestre agité entre affaire de la «cagnotte» et grève des agents des finances, les hauts fonctionnaires de Bercy regimbaient à subir le nouveau joug. Et déjà Fabius savait son procès en «ringardisation» en cours d'instruction dans les dîners en ville. Il a riposté violemment, distillant son étonnement de voir la «baisse de niveau» des hauts fonctionnaires depuis son départ, en 1984. L'affaire réglée, restait la leçon: la maison devait être mise aux ordres, et vite. Dominique Strauss-Kahn avait séduit Bercy, L