On lit partout que c'est grâce à la plaidoirie «historique» de Robert Badinter que Patrick Henry a échappé, le 20 janvier 1977, à la guillotine. Elle y a certainement contribué, mais ce morceau d'anthologie qu'a constitué son plaidoyer contre la peine de mort n'avait que peu de chance de convaincre un jury s'il n'y avait eu un hasard déterminant.
Il faut, d'un mot, rappeler l'atmosphère empoisonnée qui entourait le procès de Troyes où, un an auparavant, le rapt du petit Philippe avait plongé la ville dans l'angoisse pendant deux semaines et l'avait traumatisée par sa conclusion horrible. Dans le souci, sans doute, d'une «bonne administration de la justice», on jugeait le meurtrier sur les lieux mêmes de son forfaitÉ Pendant le procès, la pression sur les jurés était intense. Pour en rajouter, un journal local avait même publié leurs noms et adresses! Toute la ville ne bruissait que d'un cri: la mort! Toutes les conditions étaient donc réunies pour la peine capitale. Et pourtant, Patrick Henry sauvait sa tête.
Deux jours après le procès, alors grand reporter à RTL je reçus un coup de fil d'une commerçante de Troyes qui me suppliait de préciser, à l'antenne, que son mari, juré, avait voté la mort. En effet, la clientèle, qui le rendait responsable du verdict, boycottait son magasinÉ Comment, dans un tel climat de haine, devant une opinion quasi unanime pour la condamnation à mort du criminel, le jury avait-il basculé dans l'autre sens? Par le seul effet d'une plaidoirie extraord